expositions Le Grand opéra I Du 24 octobre 2019 au 2 février 2020 BnF I Bibliothèque-musée de l’Opéra Commissariat : Romain Feist, conservateur au département de la Musique, BnF, Marion Mirande, Opéra de Paris Les 30 ans de l’Opéra Bastille : voir agenda p.10 Le Grand opéra, le spectacle de l’Histoire Cette exposition, fruit d’un partenariat avec l’Opéra national de Paris, s’inscrit dans le programme des célébrations du 350 e anniversaire de l’institution fondée par Louis XIV. Faisant suite à un premier volet consacré à la vie de l’Académie royale de musique sous l’Ancien Régime, elle aborde son évolution à la période romantique, à partir de nombreux documents puisés principalement dans les collections de la BnF. 16 I c h r on i que s de l a bnf nº86 Après la chute de Louis XVI et le chaos des guerres de la Révolution, la proclamation de l’Empire marque le début d’un renouveau pour l’Opéra. Certes, la paix scellée à Amiens en 1802 s’avère de courte durée, mais l’avènement de Napoléon I er et une stabilité retrouvée à l’intérieur des anciennes frontières françaises favorisent le développement des salles de spectacle, notamment à Paris. Si le décret sur les théâtres de 1807 met fin à cette effervescence, il permet à l’Opéra, placé en situation de monopole pour les ouvrages lyriques et chorégraphiques importants, de disposer des ressources humaines et financières nécessaires à la mise en place de ce qui deviendra, au fil des expérimentations, le « Grand opéra français ». Étonnamment la chute finale de l’Empire en 1815 n’interrompt pas ce processus créatif, qui se poursuit jusque dans les dernières années de la Restauration. Le premier ouvrage adoubé par les historiens comme relevant du Grand opéra français en tant que genre musical naît en 1828, avec La Muette de Portici d’Auber. Il sera suivi un an plus tard par Guillaume Tell de Rossini. Avec leur sujet « révolutionnaire », les deux pièces semblent annoncer les événements de l’été 1830. Une représentation de La Muette de Portici au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, le 25 août 1830, est même directement à l’origine du soulèvement qui aboutit à l’indépendance de la Belgique. Un nouveau genre lyrique Sous la Monarchie de juillet, le Grand opéra parvient à sa pleine maturité sous l’impulsion des compositeurs Daniel- François-Esprit Auber, Giacomo Meyerbeer et Fromental Halévy, ainsi que du dramaturge Eugène Scribe. Louis-Désiré Véron, homme d’affaires avisé qui dirige l’Opéra de Paris de 1831 à 1835, décèle tout le potentiel de ce nouveau type d’« œuvre Pierre-Luc-Charles Cicéri, esquisse du décor de Robert le Diable, 1831 (détail) BnF, Bibliothèque-musée de l’Opéra d’art totale », incluant chant, danse et effets techniques spectaculaires. Il inaugure son mandat par la création triomphale de Robert le Diable, de Meyerbeer, sur la scène de la salle Le Peletier qui est alors la « maison » de l’Académie de musique et de danse. L’âge d’or du Grand opéra s’achève au lendemain d’une autre révolution, celle de 1848. Après la création du Prophète en 1849, un lent déclin s’amorce. L’ultime chef-d’œuvre du genre sera Don Carlos de Verdi, créé en mars 1867, quelques mois avant que la façade du nouvel opéra conçu par Charles Garnier soit dévoilée au public parisien. Le Grand opéra est né au moment où la France, pour effacer l’humiliation de Waterloo et du traité de Vienne, se découvre une passion pour l’Histoire, son histoire. Il s’épanouit alors que Ludovic Vuitet devient, en 1830, le premier inspecteur général des monuments historiques et que Victor Hugo publie Notre-Dame de Paris (1831). Trouvant ses principales sources d’inspiration au Moyen Âge et à la Renaissance, il met, littéralement, l’Histoire en scène, et se fait ainsi « spectacle de l’Histoire ». o Romain Feist Département de la Musique |