26 COLLECTIONS PIERRE PHILIPPE I JACQUES BREL Pierre Philippe LE CINQUIÈME DES FRÈES JACQUES Sauvées par un particulier, une centaine de partitions et quelques archives de Pierre Philippe, premier accompagnateur des Frères Jacques, ont récemment été données à la BnF et inventoriées dans la base en ligne BnF archives et manuscrits. Quoique modeste, cet ensemble constitue un nouvel apport au patrimoine de la chanson française. Charles Le Philipponnat (1909-1995), connu sous les pseudonymes de Pierre Philippe ou Pierre Le Philipponnat, est un compositeur de chansons, de musique de scène et d’opérettes, pianiste et chef d’orchestre. Prisonnier en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, il compose, monte une opérette et dirige des orchestres aux côtés de l’homme de théâtre Hubert Gignoux. En 1946, il devient pianiste et compositeur pour la compagnie Grenier- Hussenot. Dans ce contexte, il assure les raccords de la suite de sketches Parade pour rire et pour pleurer et met en musique la comédie burlesque Orion le tueur de Jean-Pierre Grenier. Dans la troupe, il rencontre André et Georges Bellec, Paul Tourenne et François Soubeyran qui forment déjà les Frères Jacques. Il sera leur pianiste de 1946 à 1965. Parmi les manuscrits de ce fonds, on retrouve les succès du groupe dans les arrangements de Pierre Philippe (La Gavotte des bâtons blancs, La Marie- Joseph…), mais également des opérettes ou de la musique de scène et des chansons de Pierre Philippe. Ce fonds complète notamment celui sur les Frères Jacques conservé à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Agnès Simon-Reecht Département de la Musique Ci-dessus à gauche Le Mariage forcé, musique de Pierre Philippe Manuscrit autographe BnF, Musique Ci-dessus à droite Jacques Brel, Paris, Olympia, octobre 1961 À gauche Frères Jacques, Théâtre Fontaine, 1968 Collection Roger Pic BnF, Arts du spectacle CHRONIQUES DE LA BnF Nº85 SOUS LA MAIN DU GRAND JACQUES Comment travaillait Jacques Brel (1929-1978) ? Un de ses carnets de brouillon, récemment acquis en vente publique, aide à lever le voile sur son processus de création. Le manuscrit autographe qui vient d’entrer dans les collections de la BnF a vraisemblablement accompagné le célèbre auteur-compositeur-interprète pendant plusieurs années. En témoignent les esquisses les plus abouties, qui concernent surtout des chansons écrites dans les années 1960 : « La Chanson de Jacky » (1965), « Le Cheval » (1967) ou encore la très populaire « Amsterdam » (1964), que Brel déclarait pourtant ne pas aimer. La genèse de cette chanson, créée en public à l’Olympia en 1964, transparaît à travers les pages du carnet. On découvre ainsi que la dernière strophe (dans laquelle « y a des marins qui boivent ») est sans doute la première imaginée par Brel, peut-être dans le prolongement de vers non utilisés pour « L’Ivrogne » (1961). Mais on voit aussi l’auteur extraire quelques vers d’un brouillon éloigné et, passant de la première à la troisième personne, les intégrer soudain dans « Amsterdam » ; comme s’il découpait et recomposait a posteriori un matériau textuel produit de façon continue, surgi au gré d’inspirations diverses. La quantité de matériau inédit frappe également, comme ces strophes supprimées de la version définitive du « Cheval » ou ces quatre pages dans lesquelles se développe une chanson non identifiée. Ce carnet d’une centaine de pages, au tracé irrégulier et parfois difficile à déchiffrer, pourrait encore réserver bien des surprises. Bérenger Hainaut, département de la Musique |