16 EXPOSITIONS UN AIR D’ITALIE UN AIR D’ITALIE Un air d’Italie : l’Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution Du 28 mai au 1er septembre 2019 BnF I Bibliothèquemusée de l’Opéra Organisée par la BnF et l’Opéra national de Paris, l’exposition Un air d’Italie s’inscrit dans le cadre du 350e anniversaire de la grande institution. Elle retrace l’histoire, souvent mouvementée, de la première scène lyrique française, sous l’angle inédit de l’intrication continue des modèles français et italien. Ci-dessous Jean Berain, costume du roi Égée dans Thésée de Lully, fin XVII es., Gravure aquarellée BnF, Bibliothèque-musée de l’Opéra Commissariat Mickaël Bouffard, Centre de musique baroque de Versailles, Christian Schirm, Opéra national de Paris, Jean-Michel Vinciguerra, département de la Musique, BnF Les fameuses lettres patentes par lesquelles Louis XIV et son ministre Colbert accordent en 1669 un privilège d’opéra au poète et entrepreneur de spectacles Pierre Perrin illustrent à merveille la pérennité de l’influence italienne sur les arts du spectacle en France. Bien qu’établies « à l’imitation des Italiens », les académies d’opéra doivent promouvoir, à Paris comme en province, des « représentations en musique et en vers français ». C’est donc à la fois en réponse à une forme théâtrale venue de l’étranger et sous l’emprise d’un modèle italien toujours dominant qu’une réélaboration dans un style national naît en France dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Un des plus brillants exemples nous en est fourni par la figure du surintendant de la Musique du roi, le Florentin Jean- Baptiste Lully, qui rachète en 1672 le privilège de Perrin, rebaptise l’Opéra de Paris « Académie royale de musique » et invente une forme dramatique spécifiquement française – la tragédie en musique – promise à une grande fortune jusqu’à la Révolution. Le temps des querelles Après la mort de Lully en 1687, et jusqu’à la Régence, s’ouvre une période d’expérimentations impliquant de nombreux compositeurs et chorégraphes, notamment André Campra et Guillaume- Louis Pécour qui contribuent à l’éclosion d’un nouveau genre lyrique, l’« opéraballet », dans lequel la danse acquiert un statut égal à celui du chant. Dieux et héros de l’Antiquité cèdent leur place à des personnages modernes, Français, Italiens, Espagnols, Turcs, et tout le personnel comique que Lully avait soigneusement écarté de la scène lyrique Catalogue Sous la direction de Mickaël Bouffard et Jean-Michel Vinciguerra RMN/Éditions de la BnF 192 pages, 110 illustrations, 39 € réapparaît à travers les figures dansantes d’Arlequin et Polichinelle, issues de la commedia dell’arte. Gagnant en prestige et en renommée dans toute l’Europe, l’Opéra de Paris devient, au XVIIIe siècle, le terrain de nombreuses controverses, tant musicales et chorégraphiques qu’esthétiques. L’une des plus célèbres est la querelle des Bouffons qui fait rage en 1752, après l’arrivée à Paris d’une troupe de chanteurs italiens interprétant La Serva padrona de Pergolèse. Féroce, elle oppose les partisans de l’opéra napolitain, regroupés derrière Rousseau, à ceux de la musique française qui, choqués de voir des « histrions ultramontains » profaner ce temple du goût qu’est l’Opéra de Paris, en appellent à Rameau, vu comme le garant du grand genre de la tragédie. Pendant tout le siècle, alternent ainsi des périodes de restauration de l’ancien répertoire musical national et des moments d’ouverture, comme en 1778, lorsque le directeur de l’Opéra programme une saison d’opere buffe et souffle à dessein sur les braises d’une nouvelle querelle franco-italienne, celle des Gluckistes et des Piccinnistes. À travers 130 pièces mêlant archives, partitions, dessins de costumes, projets de décors, estampes et huiles sur toile, l’exposition montre comment, né de l’hybridation des goûts français et italien, l’Opéra de Paris n’a cessé d’exercer sa mission dans une tension permanente entre référence à un modèle transalpin et affirmation d’une ambition nationale. Jean-Michel Vinciguerra Département de la Musique CHRONIQUES DE LA BnF Nº85 |