24 COLLECTIONS FONDS JULIA MARCUS I MANUSCRITS DE QUENEAU 1 2 Constance Quéniaux ou le triomphe du sérieux de la recherche L’entrée en 1995 au musée d’Orsay du tableau de Gustave Courbet, L’Origine du monde, peint en 1866 pour le diplomate turc résidant alors à Paris, Khalil Bey, marque le début des études sur cette œuvre. Le seul travail sérieux antérieur était celle de l’historienne de l’art américaine Linda Nochlin dans le catalogue du musée de Brooklyn Courbet reconsidered publié en 1988 à l’occasion de l’exposition éponyme qui présentait pour la première fois au public ce tableau. Depuis sa réapparition, l’œuvre a fait l’objet de plusieurs livres, de nombreuses analyses, d’une exposition même au musée Courbet d’Ornans en 2014. Les historiens de l’art et les exégètes de toutes sortes se sont bien évidemment interrogés aussi sur l’identité possible du modèle de cette œuvre transgressive. De nombreuses hypothèses ont été avancées en particulier celle de la maîtresse de Courbet du moment, Joanna Iffermann, une spectaculaire rousse anglaise. C’est tout à fait fortuitement, en travaillant à une édition complète de la correspondance entre George Sand et Alexandre Dumas fils que Claude Schopp, historien de la littérature et biographe des Dumas père et fils a découvert l’identité du modèle : cette correspondance passionnante, conservée au département des Manuscrits de la BnF n’avait encore jamais été publiée intégralement. S’emportant contre le comportement de Courbet durant la Commune de Paris, Dumas fils lance à sa vieille amie le nom de son modèle. Cette dernière s’en amuse sans s’en étonner. Une fois le nom du modèle trouvé, Claude Schoppa retracé sa vie qui a pu être illustrée des très nombreux portraits de la danseuse conservés au département des Estampes et de la Photographie et à la Bibliothèque Musée de l’Opéra. La correspondance et certains portraits sont déjà accessibles sur Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF. Sylvie Aubenas Département des Estampes et de la photographie 1 Disdéri, Constance Quéniaux : carte de visite, 1854-1870 BnF, Estampes et photographie 2 Les deux manuscrits de Raymond Queneau acquis en juin : Le Chiendent et Petite cosmogonie portative Claude Schoppavec la collaboration de Sylvie Aubenas, L’Origine du monde. Vie du modèle, Paris, Phébus, 2018. CHRONIQUES DE LA BnF Nº84 Trois manuscrits majeurs de Queneau entrent à la BnF En 2018, la Bibliothèque a fait l’acquisition de trois manuscrits de Raymond Queneau : Le Chiendent, son premier roman (1933), le long poème intitulé Petite cosmogonie portative (1950), ainsi que les cahiers préparatoires du film Zazie dans le métro. Le Chiendent est le premier texte romanesque d’un écrivain jusqu’alors poète. Il a été écrit à un moment crucial, en 1932, juste après la rupture de Queneau avec le mouvement surréaliste. Sous des dehors fantaisistes, écrit dans une langue inventive et parfois triviale, le texte n’en est pas moins construit de façon extrêmement rigoureuse selon la « technique consciente du roman », exposée dès 1937 par son auteur dans un texte théorique qui permet d’en reconstituer le cahier des charges. Ce texte à structure circulaire obéit à des règles cachées d’ordre autobiographique ou esthétique. Par sa langue comme par son mode de composition, Le Chiendent est un roman révolutionnaire et fondateur, d’où l’intérêt de pouvoir en étudier les manuscrits préparatoires, tableaux, notes et épreuves. Tout aussi primordiale est la construction de la Petite cosmogonie portative, long poème en six chants décrivant l’histoire du monde depuis sa création jusqu’à notre époque machiniste. Raymond Queneau y décrit la mécanique de notre système solaire, la chronologie cosmique, enfin l’apparition de l’homme, dans un feu d’artifice truculent d’expressions imagées et de citations détournées. Il est désormais possible de se livrer à l’étude du dossier préparatoire, du manuscrit autographe complet, du tapuscrit et des épreuves corrigées de la première édition, puis de l’édition de 1969. Le 16 novembre dernier, la BnF a pu augmenter ce fonds de plusieurs manuscrits témoignant de la création de Queneau pour le cinéma, mais surtout des douze cahiers préparatoires (notes, plans, brouillons, premiers jets) pour Zazie dans le métro. Claire Lesage, bibliothèque de l’Arsenal |