22 DOSSIER LA RECHERCHE À LA BnF Antoine Compagnon La BnF, un partenaire scientifique pour la recherche Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, est président du conseil scientifique de la BnF. Il donne aux lecteurs de Chroniques son point de vue sur le rôle de la BnF dans le monde de la recherche. Chroniques : Vous connaissiez déjà très bien la BnF avant de présider son conseil scientifique : qu’avez-vous découvert à l’occasion de cette nouvelle mission ? Antoine Compagnon : J’ai découvert la multiplicité des programmes de recherche et des partenariats dans lesquels la BnF est impliquée. La Bibliothèque ayant une vocation universelle, le conseil scientifique veille à ce qu’elle collabore sans exclusive avec toute institution qui souhaite faire un vrai travail scientifique sur ses collections. J’observe que la recherche a beaucoup changé ces dernières années : elle est devenue plus administrative et formalisée, au sens où un chercheur doit, pour obtenir des financements, monter des projets, déposer des dossiers… La BnF a très bien su s’adapter à cette donne nouvelle. Le conseil scientifique, instance stratégique de la politique de recherche Institué par le décret fondateur de la Bibliothèque nationale de France en 1994, le conseil scientifique est consulté sur toutes les questions relatives à la politique scientifique de l’établissement et à ses activités de recherche. Réuni au moins une fois par an, il est composé de membres de droit, de représentants du personnel de la BnF élus, de personnalités qualifiées et de représentants nommés d’institutions scientifiques ou documentaires françaises et étrangères. Ci-dessus Antoine Compagnon 1. Les Chiffonniers de Paris, Paris, Gallimard, 2017.C. : Que pensez-vous de l’importance donnée aux outils numériques dans la recherche ? A.C. : C’est tout à fait positif pour améliorer l’exploration des documents (fouille des images, reconnaissance de caractères…). Je consulte Gallica tous les jours et trouve que l’investissement de la BnF dans la numérisation de ses collections est remarquable, y compris par rapport aux autres bibliothèques dans le monde. On a accès en français, de manière libre et gratuite, à beaucoup plus de documents qu’en anglais, et notamment aux grands titres de la presse du XIXe siècle. La recherche sur la presse a été très largement favorisée par la numérisation, même si celle-ci reste modeste par rapport à l’immensité des fonds.C. : En tant qu’enseignant et chercheur, qu’attendez-vous des personnels scientifiques et des travaux qu’ils mènent sur les collections ? A.C. J’ai très souvent été aidé dans mes recherches par des conservateurs de la BnF, encore tout récemment au département des Estampes pour mon livre sur les chiffonniers¹. Je trouve là, depuis CHRONIQUES DE LA BnF Nº84 plus de quarante ans, de véritables partenaires scientifiques, sur des questions d’attribution par exemple, ou de recherche dans des fonds compliqués. Au XIXe siècle, beaucoup de professeurs du Collège de France – notamment les grands spécialistes des manuscrits orientaux – venaient de la Bibliothèque nationale. On peut dire que la recherche, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est née à cette époque entre ces deux institutions.C. : Quel rôle la BnF joue-t-elle, ou pourrait-elle jouer, dans la formation des étudiants à la recherche ? A.C. : Que des enseignants puissent venir avec leurs étudiants à la BnF, pour donner des enseignements au plus près des collections, avec la participation des conservateurs, est extrêmement précieux. Cette pratique mériterait d’être amplifiée. Enfin, je pense que 90% des lecteurs n’exploitent pas de manière optimale les instruments de la recherche. On pourrait imaginer des rencontres de chercheurs qui discuteraient de leurs pratiques d’exploration des collections. Propos recueillis par Thierry Pardé Délégation à la Stratégie et à la recherche |