Expositions > Le roman historique et la vérité des archives Jean-François Parot brosse au fil de ses romans policiers un tableau à la fois dense et complexe du Paris des Lumières. Une rencontre aura lieu à la BnF le 29 novembre avec cet écrivain-historien. Chroniques : Vos textes contiennent bien plus qu’une simple ambiance historique ; d’où vient la minutie des informations qui les animent ? Jean-François Parot : Avant de mener une carrière de diplomate, j’ai effectué une maîtrise d’histoire sur les structures sociales des quartiers de Grève, Sainte-Avoye et du Faubourg Saint-Martin de 1780 à 1785. Ce mémoire avait pour objet de pénétrer la société française d’avant la Révolution. J’ai essentiellement utilisé les archives notariales et, dès lors, j’ai été immergé dans ce « goût de l’archive » dont parle Arlette Farge. Plus tard, mes deux premiers livres ont été écrits sans documentation, grâce à ce que j’avais retenu pendant mes années de recherche et à l’intérêt que j’ai continué de ressentir pour cette époque. À l’image de votre héros, Nicolas Le Floch, êtes-vous à la recherche de la vérité d’une époque ? J.-F. P. : Le xviii e siècle, période passionnante qui a amené la Révolution, est méconnu en France. Dans les 10 – Chroniques de la BnF – n°56 programmes scolaires, on passe de Louis xiv à la Révolution sans transition. En histoire, on a tendance à cisailler le fil du temps, comme si tout changeait brutalement. Je me suis transformé en archéologue rassemblant des morceaux de mosaïques. Un nombre incalculable de détails permet de reconstituer de vastes tableaux. J’ai voulu me replacer dans la société française entre 1760 et 1800 pour montrer comment les choses se déroulaient et s’aggravaient, presque insensiblement. Quand il s’agit d’insuffler vie à vos personnages, le romancier se méfie-t-il de l’historien ? J.-F. P. : Il s’agit pour moi de faire revivre une époque en allant d’archive en archive mais sans les juxtaposer. Souvent, dans les romans historiques, les données sont plaquées artificiellement sans tenir compte de la dynamique du récit. L’archive est certes un aiguillon pour l’imagination mais il faut en user avec prudence. Le roman historique fait appel à deux concepts opposés : la fiction BnF, Estampes et photographie Ci-dessus La veste de Damiens, auteur d’une tentative de régicide Ci-contre L’homme au masque de fer à la Bastille, gravure, 1789 et la vérité historique. Comment vos livres les mêlent-ils ? J.-F. P. : Le roman policier historique procède à la fois d’un réalisme de l’imaginaire et d’imaginaire du réalisme. Il inscrit des vies imaginaires dans une réalité préexistante. Personnages de fictions et personnages historiques cohabitent dans ce que l’on appelle les interstices de l’Histoire, ces moments que l’on ne connaît pas, des niches du temps. Le vocabulaire de vos romans est ciselé. Vous semblez animé par le désir de faire œuvre littéraire. Ces recherches linguistiques font partie de l’exaltation joyeuse que me procure l’écriture. J’ai voulu m’imprégner de la syntaxe et du vocabulaire du temps en compulsant les mémoires, les pièces de théâtre, les journaux… Qui l’emporte en vous du romancier ou de l’historien ? Cela dépend de mes lecteurs. Certains lisent un roman à énigmes mais l’intrigue les amène à s’intéresser à l’Histoire. D’autres, amateurs de romans historiques, finissent par se laisser happer par le récit policier et s’intéresser à un genre pour lequel ils n’ont pas une particulière dilection. Enfin, il y a les lecteurs qui apprécient le travail d’écriture. Quant à moi, au-delà de ma passion pour la vérité historique, je me sens essentiellement écrivain. Propos recueillis par Delphine Andrieux Archives nationales |