LA TRIBUNE DE Les écoles de commerce ont-elles une utilité pour la société ? L’évolution. Ce mécanisme implacable par l’effet duquel nous passons d’un état à un autre est en phase de gestation d’un nouveau modèle économique et social. Les symptômes sont légion : ici le changement climatique, là l’inanité de la méritocratie, partout la fulgurance des avancées technologiques. Avec pour toile de fond l’éternelle quête de sens, rendue plus essentielle à mesure que le monde nous apparaît dans sa possible finitude. « À quoi servons-nous ? » se mue en « à quoi servirons-nous ? ». De part et d’autre des voix s’élèvent pour pointer le nécessaire renouvellement des modèles économiques connus. Le « réveil », prélude à tout changement, voit une multitude d’yeux à ouvrir. La feuille est loin d’être blanche : c’est en identifiant les questions que nous donnons du sens aux réponses. Ces questions dessinent le visage des jeunes générations et leurs réponses sont autant d’injonctions pour un monde plus équitable, des sociétés plus responsables, où la place de chacun est défendue par tous. S’il est impossible de prédire avec exactitude à quel monde nous les préparons, alors quel rôle jouons-nous, nous professeurs et responsables académiques, dans la formation de ceux qui façonneront la société de demain ? De la fracture naît demain Les révolutions nous ont appris quelque chose : c’est dans les esprits que naissent les nouveaux paradigmes. L’enseignement supérieur a de tout temps tiré sa légitimité de 12 L’utilité sociale des Business School Emmanuel Métais est directeur général de l’EDHEC Business School. Docteur en stratégie, il a occupé des fonctions clés à l’EDHEC. Il a dirigé le Global MBA, programme entré sous son égide dans le classement mondial de The Economist et du Financial Times, avant de prendre la direction du programme Master Grande Ecole. Spécialiste des stratégies de rupture et de la performance des fusions-acquisitions, Emmanuel Métais est Professeur à l’EDHEC depuis plus de 20 ans et a publié de nombreux articles et ouvrages sur ces sujets en France et à l’international. deux colosses, dont les pieds pourraient demain se révéler d’argile : le diplôme et la recherche. Dans un monde où le savoir est disponible tout le temps et partout, la valeur du diplôme pose question. Et si l’on rajoute le coût de cette instruction, qu’il soit imputé au particulier ou à la société, l’équation peut effectivement faire douter. Pour la recherche, l’obligation de résultat s’est par trop substituée à celle de moyens : si recherche il doit y avoir, sa qualité doit être appréciée à l’aune de son impact réel sur le monde. L’instruction sert, c’est indéniable. Mais dans une société en quête de sens, « servir » ne peut s’entendre que dans une contribution active aux transformations en cours. Nos étudiants et futurs étudiants, qui nous attendent bien avant le tournant, l’ont bien compris. Les institutions d’enseignement supérieur ne peuvent plus seulement délivrer un savoir, elles doivent construire des réponses fortes, au service de la société, en matière de formation, de préparation, ou de création de connaissance. En préparant ceux qui préparent demain, nous acceptons la mission fondamentale d’accoucheurs de société. À ce titre, notre rôle est plus que jamais d’être des accompagnateurs et des incubateurs. Que proposons-nous aujourd’hui à ceux qui feront demain ? Cette question revêt d’autant plus d’importance pour les Business Schools : si l’on considère que le business est bel et bien l’un des vecteurs de changement les plus puissants de nos sociétés, la mission de former les leaders de demain revient à se demander quelle société nous voulons voir émerger. |