ont des préoccupations légitimes, elle réaffirme que l’on ne peut modifier le JCPOA. Moscou partage le même point de vue, comme Pékin dont la posture plus discrète veut préserver ses propres intérêts. Convaincus par Paris, Londres et Berlin pressent Téhéran de se soumettre sous peine de sanctions européennes, tout en affirmant défendre l’Accord. Washington affiche une fausse concession en acceptant de ne pas le modifier mais de le « compléter » par un supplemental agreement. Ceci mène à l’impasse consacrée par la visite de Jean-Yves Le Drian à Téhéran le 5 mars où le ministre français subit une fin de non-recevoir. Elle était inévitable dès lors que les Européens ne proposaient rien à l’Iran en échange de concessions substantielles. La seule « ouverture » était le maintien de Washington dans le JCPOA alors que l’Iran reprochait à l’Amérique de ne pas le respecter. De fait, en bloquant les transactions financières et bancaires, en exerçant des pressions sur les banques et entreprises, en n’exécutant pas de bonne foi l’octroi de licences aux entreprises étrangères, l’Amérique prive l’Iran des retombées économiques de l’Accord. Le ministre iranien des Affaires étrangères a soulevé plusieurs griefs d’infractions devant la commission de suivi du JCPOA. En réalité, Trump est décidé à quitter l’accord nucléaire, sachant que le « pseudo accord élargi » (en d’autres termes, une capitulation totale) est inacceptable pour Téhéran en l’absence de flux bancaires et financiers fluides, et sans la fin de pressions sur les banques et entreprises. Federica Mogherini défend courageusement l’intégrité du JCPOA, Paris suivi de Londres et Berlin, table en vain sur des pressions pour convaincre Téhéran de se soumettre. Un échec évitable ! En effet, bien qu’ils jurent le contraire, les Iraniens sont prêts à négocier sur tous les chapitres. Le Yémen est le plus évident. Zarif l’a reconnu le 20 février : le Yémen n’a aucun intérêt stratégique pour l’Iran qui n’y est que symboliquement engagé. Les missiles balistiques, selon Washington interdits par la résolution 2231 du Conseil de Sécurité alors qu’elle « invite » l’Iran à s’abstenir d’activités sur de tels missiles conçus pour emporter des charges nucléaires en est un autre. Tout en prétendant que ces missiles, selon eux, défensifs et conventionnels (certains modèles semblent néanmoins capables de porter des charges nucléaires) ne sont pas négociables. Les chefs des Gardiens de la Révolution déclarent que « Bien qu'ils jurent le contraire, les Iraniens sont prêts à négocier sur tous les chapitres le Guide leur a ordonné d’en limiter la portée à 2000 km, une façon de dire que l’on peut en discuter. En Syrie, enjeu le plus délicat, l’Iran veut sauvegarder ses intérêts, protéger le Hezbollah, préserver l’unité du pays, mais ne se cramponne pas à la personne de Bachar el Assad. Moscou étant maître du calendrier syrien, dialoguant avec Riyad, Téhéran sait que l’Iran sera contraint de négocier. Téhéran pourrait discuter de tous ces points (et même d’autres) à une condition : le rétablissement d’une fluidité financière, bancaire et commerciale. Or de cela il n’est pas question. Les Européens se sont donc engagés dans une impasse sans avoir évalué si le locataire de la Maison-Blanche n’avait pas décidé de toute façon un retrait unilatéral. Plusieurs indices corroborent cette hypothèse. Le jour-même de l’annonce de retrait, l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) publie sur son site une première série de précisions (FAQ : Frequently Asked Questions) dont la rédaction complexe atteste une longue préparation. En second lieu, Netanyahu tente, le 30 avril, de faire croire que l’Iran a poursuivi son programme nucléaire militaire, manœuvre qui a tourné court après la sèche mise au point de l’AIEA. N’ayant plus de raison d’attendre jusqu’au 12 mai, Trump frappe dès le 34 8. Le plus étonnant est qu’il répète que si les Iraniens consentent à souscrire un nouvel accord, large, complet avec les États-Unis, l'AIEA est prête à ouvrir de nouvelles relations ! Le 21 mai, après le retrait, le secrétaire d’État Mike Pompeo réitère les 12 exigences américaines. Sachant qu’il n’y aucune raison que l’Iran s’y soumette. Téhéran dénonce avec colère une Amérique qui ne respecte pas un engagement international et ne peut être considérée comme un interlocuteur fiable. Se pose alors la question des véritables mobiles du Président américain. Une cassure radicale pour quoi faire ? L’option du changement de régime « À l'annonce du retrait américain, plusieurs voix européennes appellent l'Union à s'organiser pour défendre ses intérêts En annonçant la mise en place d’un dispositif d’étranglement sans précédent de l’économie iranienne, qui passe d’abord par le tarissement des exportations de pétrole de la République Islamique, Washington veut provoquer un effondrement mais lequel ? L’hostilité de Trump à l’égard du régime est trop connue via ses innombrables déclarations où il dénonce le caractère dictatorial et corrompu de ce dernier. Bien que tenu à une certaine réserve, le secrétaire d’État Rex Tillerson, bien avant le retrait, avait évoqué la perspective d’un changement de régime à favoriser. Encore plus explicite, avant d’être nommé conseiller de Donald Trump, John Bolton, faucon très proche du mouvement MKO/MEK (alias Conseil National de la Résistance Iranienne) qui prêche inlassablement (y compris à Paris) en faveur de la chute du régime iranien, s’était rendu célèbre par un article titré Bomb, bombIran. Mike Pompeo, prudemment, déclare le 24 mai qu’il ne s’agit pas de « changer de régime » mais son comportement. Une marque de tolérance ? Rien ne le confirme. La dureté du dispositif d’asphyxie (pas d’exemptions ni de waivers pour la fin des importations de pétrole iranien, les menaces violentes contre les entreprises étran- |