Choiseul Magazine n°5 sep à déc 2018
Choiseul Magazine n°5 sep à déc 2018
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°5 de sep à déc 2018

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Choiseul France

  • Format : (210 x 297) mm

  • Nombre de pages : 48

  • Taille du fichier PDF : 10,3 Mo

  • Dans ce numéro : retour sur le Choiseul Africa Summit Abidjan...

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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L'industrie 4.0 face à l'écueil de la fiscalité La tribune de Gianmarco Monsellato Gianmarco Monsellato est Avocat Associé au sein de Taj, une entité du réseau Deloitte. Il a dirigé Taj de 2004 à 2016. Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine et diplômé d’HEC, Gianmarco a plus de 20 ans d’expérience en fiscalité internationale et prix de transfert, accompagnant de grands groupes français et étrangers. Reconnu pour son éminence sur les questions de gouvernance fiscale, il est régulièrement consulté ou auditionné par le Sénat, l’Assemblée nationale ou le Gouvernement. L’Industrie 4.0 est passée en quelques années de la production standardisée à l’anticipation des besoins du client pour produire à la demande. Si les mutations économiques et sociales de ce profond changement sont entendues, les mutations fiscales demeurent, elles, largement ignorées. Nul ne peut penser qu’un système fiscal fondé au temps du taylorisme puisse rester pertinent à l’ère de la maintenance prédictive. Les règles fiscales doivent nécessairement s’adapter. La priorité politique actuelle, au-delà de l’optimisation fiscale, devrait être celle de la construction d’une fiscalité du futur. Cet écart entre les besoins de l’économie et les priorités politiques entraîne des risques fiscaux importants. Le point sur trois évolutions majeures qui permettent d’en éclairer les enjeux. Du juste à temps à la livraison à la demande, le changement de tempo Les stocks ont longtemps été consubstantiels à l’économie industrielle. Avec l’industrie 4.0, il s’agit désormais de partir de la demande pour produire. Les usines connectées fabriquent à partir des données du client et selon ses besoins. L’enjeu n’est plus logistique mais technologique. Désormais, un pool de fournisseurs est référencé en amont pour répondre à une production flexible, agile, parfaitement adaptable. Or, les fournisseurs peuvent être localisés dans des pays différents, avec des règles TVA différentes, assujettis à certains droits de douane, générant de fait une diversité de profils fiscaux bien plus importante que par le passé, qui nécessite un nouveau paramétrage des systèmes informatiques. Ensuite, la production à la demande augmente les livraisons directes au client depuis l’usine, y compris dans des pays où on ne dispose pas d’implantation, ce qui pose des questions de TVA, et donc de gestion et de trésorerie. 14 « Dans l'industrie 4.0, la répartition des droits d'imposer entre les usines connectées et le pays des clients va être cruciale Certes, la simplification des chaînes logistiques abaisse le besoin de recourir aux prix de transfert. En revanche, elle révèle plus encore la question du lieu d’imposition. Dans l’industrie 4.0, la répartition des droits d’imposer entre les usines connectées, véritables centres de propriétés intellectuelles, et le pays des clients où les ventes ont lieu va être cruciale. Le droit fiscal actuel ne comprend pas un monde où usines et clients sont connectés par-delà les frontières, où production et distribution se mélangent dans une immédiateté numérique. Quel pays taxera-t-il ? Celui de résidence du client, donc de la donnée, ou celui de l’usine donc de la technologie ? Probablement les deux et de façon cumulative faute de corpus international adéquat. De la prospection à l’aftermarket, le changement de paradigme Les règles fiscales actuelles ont été bâties sur le modèle commercial du siècle dernier. Les enjeux sont désormais davantage orientés vers l’aftermarket, c’est-à-dire l’en-
semble des services développés autour du produit, plus que sur la prospection en amont. Chaque produit vendu reste connecté à l’entreprise qui dispose ainsi d’un vaste réservoir de données qu’elle peut analyser pour dégager des tendances de fond et ainsi anticiper de nouveaux besoins de ses clients. La vente initiale n’est donc plus l’aboutissement d’un cycle, mais la première étape vers un flux de ventes récurrentes. L’aftermarket est un élément clé du succès de l’industrie de demain. Or, la fiscalité actuelle ne sait pas qualifier avec certitude et cohérence internationale les revenus issus de l’aftermarket. Sont-ils des accessoires de la vente initiale ? Sont-ils la rémunération de la propriété intellectuelle de l’usine qui analyse les données via ses algorithmes ? Sont-ils un service ? On le voit, la fiscalité n’a pas prévu ces cas de figure. D’espoir de rentabilité additionnelle, l’aftermarket risque de se transformer en cauchemar fiscal. D’autant plus, que la fiscalité n’est pas encore prête à la disparition des frontières entre produits et services. Du produit au service, le changement de valeur ajoutée 15 LA TRIBUNE CHOISEUL « Comme trop souvent, la politique fiscale de demain se construit sur la base de l'étude du passé au lieu d'être prospective Un des objectifs de l’industrie 4.0 est d’évoluer de la vente de produits à des services continus. La réalisation de chiffre d’affaires ponctuelle se transforme en flux de revenus récurrents. Les investissements en capital (capex) nécessaires à la production des produits deviennent des dépenses d’exploitation (opex). La gestion de bilan dans un monde de services est une réalité nouvelle pour l’industrie. Et avec elle la question de la gestion fiscale et cinq points clés  : le lieu (imposition chez le client ou chez le fournisseur ?) , la forme (s’agit-il de redevances assujetties à des retenues à la source ?) , la nature de l’imposition (quelles sont les règles de fiscalité indirecte qui s’appliquent ?) et la gestion du capital humain (l’émergence de salariés nomades et le risque de double imposition direct pour ceux-ci et indirects pour l’entreprise) sans oublier la valeur de la donnée (la différence de valeur entre données brutes localisées dans un pays et données enrichies dans un autres pays sera l’objet des prochains contentieux prix de transfert). L’industrie 4.0 est porteuse d’importants espoirs économiques. Elle est aussi porteuse de risques fiscaux majeurs. Or, comme trop souvent, la politique fiscale de demain se construit sur la base de l’étude du passé au lieu d’être prospective. Les États qui sauront apporter une sécurité aux opérateurs économiques sur ces sujets seront probablement les gagnants de cette nouvelle vague d’industrialisation. Mais l’entreprise ne peut pas attendre, car ces décisions d’investissement se prennent maintenant. Les marges industrielles ne résisteront pas à de multiples impositions fréquentes. L’industrie 4.0 doit donc intégrer l’incertitude fiscale dans son modèle de gestion. Comme pour la maintenance prédictive, les directions financières vont devoir anticiper les risques de doubles impositions et distinguer ceux qui peuvent être maîtrisés via une structuration adaptée des risques résiduels qui devront être intégrés au business plan. A la différence de la maintenance prédictive, les algorithmes ne peuvent pas encore apporter de solutions… Les fiscalistes sont donc toujours promis à un bel avenir.



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