L'industrie 4.0 face à l'écueil de la fiscalité La tribune de Gianmarco Monsellato Gianmarco Monsellato est Avocat Associé au sein de Taj, une entité du réseau Deloitte. Il a dirigé Taj de 2004 à 2016. Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine et diplômé d’HEC, Gianmarco a plus de 20 ans d’expérience en fiscalité internationale et prix de transfert, accompagnant de grands groupes français et étrangers. Reconnu pour son éminence sur les questions de gouvernance fiscale, il est régulièrement consulté ou auditionné par le Sénat, l’Assemblée nationale ou le Gouvernement. L’Industrie 4.0 est passée en quelques années de la production standardisée à l’anticipation des besoins du client pour produire à la demande. Si les mutations économiques et sociales de ce profond changement sont entendues, les mutations fiscales demeurent, elles, largement ignorées. Nul ne peut penser qu’un système fiscal fondé au temps du taylorisme puisse rester pertinent à l’ère de la maintenance prédictive. Les règles fiscales doivent nécessairement s’adapter. La priorité politique actuelle, au-delà de l’optimisation fiscale, devrait être celle de la construction d’une fiscalité du futur. Cet écart entre les besoins de l’économie et les priorités politiques entraîne des risques fiscaux importants. Le point sur trois évolutions majeures qui permettent d’en éclairer les enjeux. Du juste à temps à la livraison à la demande, le changement de tempo Les stocks ont longtemps été consubstantiels à l’économie industrielle. Avec l’industrie 4.0, il s’agit désormais de partir de la demande pour produire. Les usines connectées fabriquent à partir des données du client et selon ses besoins. L’enjeu n’est plus logistique mais technologique. Désormais, un pool de fournisseurs est référencé en amont pour répondre à une production flexible, agile, parfaitement adaptable. Or, les fournisseurs peuvent être localisés dans des pays différents, avec des règles TVA différentes, assujettis à certains droits de douane, générant de fait une diversité de profils fiscaux bien plus importante que par le passé, qui nécessite un nouveau paramétrage des systèmes informatiques. Ensuite, la production à la demande augmente les livraisons directes au client depuis l’usine, y compris dans des pays où on ne dispose pas d’implantation, ce qui pose des questions de TVA, et donc de gestion et de trésorerie. 14 « Dans l'industrie 4.0, la répartition des droits d'imposer entre les usines connectées et le pays des clients va être cruciale Certes, la simplification des chaînes logistiques abaisse le besoin de recourir aux prix de transfert. En revanche, elle révèle plus encore la question du lieu d’imposition. Dans l’industrie 4.0, la répartition des droits d’imposer entre les usines connectées, véritables centres de propriétés intellectuelles, et le pays des clients où les ventes ont lieu va être cruciale. Le droit fiscal actuel ne comprend pas un monde où usines et clients sont connectés par-delà les frontières, où production et distribution se mélangent dans une immédiateté numérique. Quel pays taxera-t-il ? Celui de résidence du client, donc de la donnée, ou celui de l’usine donc de la technologie ? Probablement les deux et de façon cumulative faute de corpus international adéquat. De la prospection à l’aftermarket, le changement de paradigme Les règles fiscales actuelles ont été bâties sur le modèle commercial du siècle dernier. Les enjeux sont désormais davantage orientés vers l’aftermarket, c’est-à-dire l’en- |