Alexandre Taithe  : Jean-Paul Maréchal, vous êtes maître de conférences en sciences économiques à l’Université Paris-Sud. Vous avez dirigé l’ouvrage collectif La Chine face au mur de l’environnement, publié au CNRS en 2017. Quel est l’esprit qui a guidé l’élaboration de ce projet ? Jean-Paul Maréchal  : Tout d’abord la volonté d’aborder un problème qui affecte un immense pays, un pays qui, en l’espace de quatre décennies, est passé de la 21 e à la 2 e place économique mondiale. Les quantités de pollution engendrées par le fonctionnement de l’économie chinoise causent des dommages non seulement en Chine mais également dans d’autres pays comme le Japon ou les États-Unis. S’agissant des conséquences de la pollution de l’air sur la mortalité chinoise, on avait l’habitude, il y a encore quelques années, de travailler à partir du chiffre de 650 000 décès prématurés par an. Or, suite à des relevés effectués par les autorités chinoise sur plus de 1 500 sites, on est parvenu (en ne tenant compte que des particules de moins de 2,5 microns de diamètre) au chiffre astronomique de 1,6 million de morts ! De plus, avec 10,5 milliards de tonnes de CO 2 émis chaque année (sur un total mondial de 35,7 milliards), la Chine est désormais, et de loin, le premier « contributeur » mondial au changement climatique. Ensuite, j’ai souhaité que cette question soit traitée en recourant à différentes disciplines relevant des sciences sociales  : économie, géographie, sociologie, science politique. Mais aussi droit et philosophie. En effet, face à un problème aussi complexe, aucune discipline ne peut prétendre apporter une réponse globale. Seul un croisement des regards permet de mettre en évidence les différentes facettes d’une thématique aux dimensions aussi enchevêtrées. Je profite d’ailleurs de cet entretien pour remercier les auteurs des différents chapitres de s’être investis avec tant d’enthousiasme dans un projet aussi multidisciplinaire. 47 A.T  : L’état de l’environnement naturel en Chine est très dégradé, voire alarmant dans certains domaines  : qualité de l’air et de l’eau, forte pression quantitative sur les ressources en eau, qualité des sols (acidification des terres, pollutions multiples, perte de surfaces agricoles (urbanisation, industrialisation, érosion et désertification), qualité sanitaire des aliments… La Chine a connu plusieurs tournants institutionnels et réglementaires (en 2008 et 2013 notamment) pour remédier à la dégradation de son environnement naturel. Peuton parler d’un volontarisme politique en matière environnementale en Chine ? Quelle place est laissée à la société civile face aux dégradations de l’environnement et ses conséquences ? J-P.M  : Après des années de déni, Pékin a en effet fini par reconnaître la gravité des problèmes écologiques auquel le pays est confronté. D’où, par exemple, avant le 17 e congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui s’est tenu en 2007, la promotion de la « société d’harmonie », c’est-à-dire d’un mode de développement qui prendrait en compte la question des inégalités sociales et des atteintes à l’environnement. Cette priorité sera finalement inscrite dans la constitution du parti sous l’appellation de « développement scientifique ». Un an plus tard, en 2008, le Bureau de protection de l’environnement (créé en 1974) devient ministère de la Protection de l’environnement. En 2012 se tient le 18 e congrès du PCC. Jean-François Huchet montre dans son chapitre consacré aux « politiques publiques environnementales chinoises à l’épreuve des économies politiques locales » que la nouvelle équipe dirigeante issue de ce congrès va, face à la détérioration de la situation environnementale, lancer une série d’initiatives environnementales ambitieuses. C’est ainsi que la Commission nationale pour le développement et la réforme publie son premier Plan national pour le changement clima-