Choiseul Magazine n°3 jan à avr 2018
Choiseul Magazine n°3 jan à avr 2018
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°3 de jan à avr 2018

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Choiseul France

  • Format : (210 x 297) mm

  • Nombre de pages : 56

  • Taille du fichier PDF : 3,4 Mo

  • Dans ce numéro : retour d'Astana.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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soviétique. À l’issue de la guerre froide, où s’affrontaient deux entités d’un monde bipolaire, les États-Unis ont finalement remporté la victoire sans guerre. À la fin des années 1990, Henry Kissinger faisait d’ailleurs le constat que cette victoire obligeait les États-Unis à affronter le dilemme qu’invoquait en ces termes Oscar Wilde  : « Il n’y a que deux tragédies dans la vie  : l’une est de ne pas avoir ce que l’on désire, l’autre est de l’obtenir ». Kissinger relevait également que dans ce monde succédant à la guerre froide, les différentes forces militaires, politiques et économiques allaient tendre vers une plus grande symétrie, constatant qu’il serait désormais moins risqué de défier les États-Unis. Sa vision, qu’il a exprimée dans un ouvrage consacré à la diplomatie et qui date de plus de vingt ans, est singulièrement intéressante. « Une contradiction apparente marquera l’ordre international du XXI e siècle, avec d’une part la fragmentation et de l’autre une mondialisation croissante. Au niveau des relations entre États, le nouvel ordre ressemblera davantage au système étatique des XVIII e et XIX e siècles qu’aux schémas rigides de la guerre froide. Il comprendra au moins six grandes puissances, les États-Unis, l’Europe, la Chine, le Japon, la Russie, et probablement l’Inde, et une multiplicité de pays de moyenne et petite dimensions. En même temps, les relations internationales affichent pour la première fois de l’histoire un caractère vraiment mondial. Les communications sont instantanées, l’économie opère simultanément sur tous les continents. On a vu surgir toute une série de questions qui ne peuvent être traitées qu’à l’échelle de la planète, comme la prolifération nucléaire, l’environnement, l’explosion démographique, et l’interdépendance économique. » Les grands axes de la politique étrangère de Donald Trump Clamant à l’envi « America first », l’axe majeur de la politique de Donald Trump sera la primauté absolue des intérêts américains quelle que soit la mission internationale. Il considère que la politique étrangère américaine a totalement manqué de vision et de cohérence depuis la fin de la guerre froide, ceci ayant eu pour double conséquence pour les États-Unis de créer le doute chez leurs alliés quant à leur engagement à les soutenir et de ne plus susciter la crainte chez leurs ennemis. Très largement critiquée par Donald Trump, la stratégie de Barack Obama fait apparaître, il est vrai, le relatif insuccès de la politique étrangère conduite par les États-Unis pendant son double mandat. Un rapide rappel de sa politique et de ses conséquences en démontre les limites. Le « Basculement sur l’Asie » 44 Le « Basculement sur l’Asie » (Rebalancing to Asia et Pivot strategy), présentée à juste titre comme la région du monde la plus prometteuse avait notamment pour finalité de rassurer les alliés traditionnels par le réengagement concret de la puissance américaine en Asie (aucun résultat concret n’a été obtenu par les États- Unis, devant la détermination de la Chine dans les conflits territoriaux ou les essais nucléaires de la Corée du Nord) ainsi que de contraindre la République Populaire de Chine d’accepter les normes internationales et de respecter les règles de l’OMC. Cela a été loin d’être concluant. Certes l’accord de Partenariat transpacifique (TPP) a été signé par douze pays (sauf la Chine) le 5 octobre 2015. Mais que pèsera le TPP américain contre le projet One Belt one Road (OBOR), un véritable Plan Marshall chinois pour l’Asie, beaucoup moins contraignant en termes de normes et de droits de l’homme. Le deuxième axe stratégique de la politique de Barack Obama a été de prôner un désengagement au Moyen-Orient en raison d’un moindre intérêt pour « la route du pétrole ». Light footprint strategy et leadership from behind ont été les maîtres mots de ce désengagement et probablement la conséquence du basculement sur l’Asie. Le pendant de cette moindre intervention au Moyen-Orient reposait aussi sur la stratégie des « antagonismes maîtrisés » (la Turquie contre Bashar Al Assad, l’Iran contre l’Arabie Saoudite, Israël contre l’Iran). Enfin le point d’orgue de la politique étrangère des États-Unis au Moyen- Orient, durant le mandat de Barack Obama, a été d’assigner un nouveau rôle à l’Iran dans la diplomatie américaine (lutter conjointement contre l’EI en Irak et en Syrie). Cette stratégie a également conduit à la signature d’un accord sur le nucléaire iranien en juillet 2015, sous l’égide des États- Unis. Le troisième axe de la politique étrangère conduite par Obama a été de contenir systématiquement la Russie et de la mettre sous pression après l’échec du reset. Enfin on notera l’intervention infructueuse de B. Obama auprès du Royaume-Uni pour le convaincre de renoncer au Brexit. S’agissant à présent de ce que pourrait être la politique étrangère de Donald Trump, nous sommes amenés à penser qu’il sera tenté de mettre en œuvre les grandes lignes de ce qu’il a déjà exposé lors de la campagne présidentielle. Après avoir réaffirmé que les États- Unis ne devaient plus être le « gendarme du monde » et imposer la démocratie aux pays qui n’en voulaient pas, Donald Trump a également déclaré qu’il voulait éliminer l’État islamique et qu’il demandait un plan à cette fin. En ce qui concerne les traités de libreéchange et les bénéfices supposés de la globalisation, Donald Trump réaffirme que l’intérêt des États-Unis doit être le principe directeur. Dans leur forme actuelle, il est hostile au TPP et à l’Accord de libre-échange nord-américain (NAFTA). Il a également marqué son hostilité vis-à-vis de la négociation de l’accord de libre-échange avec l’Europe (TTIP), dont l’avenir demeure incertain. Henry Kissinger, quant à lui, a toujours milité en faveur du libre-échange, il est un ardent défenseur du mondialisme. Qu’il s’agisse d’un possible traité transatlantique avec l’Europe ou du partenariat transpacifique, Kissinger a toujours marqué son soutien à ce type d’accord. S’agissant du NAFTA, Kissinger a déclaré qu’il « représentait l’étape la plus créative en direction d’un nouvel ordre mondial franchie par n’importe quel groupe d’États depuis la fin de la guerre froide ». Accords et désaccords L’un des points de concordance entre Trump et Kissinger est indéniablement la Russie. Donald Trump a réaffirmé à maintes reprises sa volonté d’améliorer singulièrement les relations des États-Unis avec la Russie. À cet égard il est envisageable que Henry Kissinger, très apprécié de Moscou, soit un intermédiaire de premier
ordre entre Washington et le Kremlin. En février 2016, Henry Kissinger avait lui aussi rappelé que « la Russie devait être perçue aujourd’hui comme un élément essentiel du nouvel équilibre mondial, et non pas comme une menace pour les États-Unis ». Selon la presse allemande, Henry Kissinger aurait même suggéré à Donald Trump un plan de développement pour l’Ukraine dans lequel les pays occidentaux reconnaîtraient les droits de la Russie sur la Crimée. En échange le gouvernement russe s’engagerait à garantir la sécurité dans la partie orientale du pays, et les sanctions économiques contre la Russie seraient suspendues. S’agissant à présent de l’OTAN, Donald Trump a également pris des positions pour le moins controversées qui ne vont pas dans le sens de ce que Kissinger a toujours affirmé à propos de cette organisation. Donald Trump a déclaré pendant la campagne présidentielle que « l’OTAN n’était pas un cadeau que les États-Unis pouvaient continuer d’offrir ». Selon lui, les autres États-membres devraient s’acquitter d’une plus grande contribution financière (les États-Unis contribuent actuellement au budget de l’OTAN à hauteur de 70%). À peine arrivé à Washington, le président Trump n’a pas manqué de qualifier cette alliance « d’obsolète et de fardeau inéquitable pour le contribuable américain ». Cependant, début février 2017, la Maison Blanche a déclaré que le président Trump « avait renouvelé le soutien américain à la Turquie en tant que partenaire stratégique et allié de l’OTAN, et appréciait toutes ses contributions dans la campagne contre le groupe État islamique ». Comme l’a souligné Henry Kissinger dans son livre consacré à la diplomatie, « Bien qu’habituellement qualifié en termes wilsoniens de sécurité collective et non d’alliance, l’OTAN a été l’institution qui a le mieux concilié les objectifs moraux et politiques de l’Amérique ». Pour Kissinger, il y a lieu d’adapter les deux institutions qui modèlent les rapports atlantiques, l’OTAN et l’Union européenne, aux réalités du monde de l’après-guerre froide. Or, il semble que Donald Trump ait peu de considération pour l’Union européenne, si l’on en juge ses déclarations sur le Brexit ou sur la manière dont elle, sous l’égide d’Angela Merkel, a géré la crise migratoire. Selon lui, le Brexit est un véritable succès pour le Royaume-Uni. Donald Trump a souligné qu’il s’efforcerait de conclure « très rapidement » un nouvel accord commercial avec le Royaume-Uni pour le soutenir après le Brexit. Henry Kissinger et Donald Trump lors d’une rencontre à la Maison blanche le 10 mai 2017 Le cas de la Chine Chine ? N’est-il qu’une simple « caution morale » dont se réclame Trump pour se Sur la Chine, Donald Trump n’a cessé de multiplier les provocations. Son appel téléphonique de remerciement à la présidente taïwanaise, qui l’avait félicité pour son élection, n’a pas manqué de susciter la colère de Pékin. À cet égard, il avait laissé entendre qu’un des principes fondamentaux de la diplomatie sino-américaine, à savoir le principe de « la Chine unique », était susceptible d’être remis en question. Certes, Trump s’est finalement rangé à l’avis de ses prédécesseurs. Il souhaite mettre en place des mesures pour limiter la croissance des exportations chinoises aux États-Unis. La Chine est entrée dans l’Organisation mondiale du commerce en 2001. Sur la période 2001-2015, le déficit américain vis-à-vis de la Chine est passé d’environ 50 milliards à 366 milliards de dollars. Trump répète à l’envi qu’à cause de la mondialisation, et en particulier de la Chine, l’Amérique a perdu des millions créer une crédibilité sur la scène internationale ? Ou un simple « coup de communication » dont le quarante-cinquième président des États-Unis est coutumier ? De toute évidence, Henry Kissinger, qui a toujours été fasciné par le pouvoir ne peut être que flatté que l’on puisse l’envisager jouer encore un rôle en matière de politique étrangère américaine. Toutefois, il prend le risque, en se rangeant derrière Trump, de ternir son image et d’entacher sa crédibilité. Dans un contexte de mondialisation marqué par l’interdépendance de tous les acteurs, il est peu probable que les États-Unis puissent se retrancher dans « un splendide isolement ». Cependant, l’harmonie du monde, la démocratie pour tous, semblent être une utopie qui n’est plus de mise aujourd’hui sous l’ère Trump. Henry Kissinger a toujours soutenu que l’après-guerre froide mènerait à construire des structures mixtes « en d’emplois et des dizaines de milliers chevauchement, certaines fondées d’entreprises. Kissinger, quant à lui, a toujours considéré que « de bonnes relations entre l’Amérique et la Chine constituaient la condition préalable et nécessaire à de bonnes relations à long terme avec le Japon, ainsi qu’à de bonnes relations sino-japonaises. C’est un triangle qu’aucune des parties ne peut quitter sans courir un risque considérable. » Au final, il y a plus de divergences de vues entre Donald Trump et Henry Kissinger que de points de convergence. Kissinger pourrait-il être cet « homme de l’ombre » dans le rapprochement avec la Russie, ou dans les délicates négociations avec la sur des principes politiques et économiques, comme sur le continent américain, d’autres associant des préoccupations et des principes communs, comme dans la zone de l’Atlantique Nord et en Asie du Nord-Est, enfin d’autres reposant largement sur des liens économiques, comme les relations avec l’Asie du Sud-Est. » Est-ce cette voie qui l’emportera ? Henry Kissinger n’a-t-il pas lui-même souvent affirmé, s’inspirant du poète espagnol Antonio Machado, « Voyageur, il n’y a pas de chemin. Le chemin se fait en marchant ». 45 VUE DU MONDE



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