férenciation. Sous cette apparence, les jeunes filles jadis exceptionnelles pouvaient enfin rejoindre la conformité. Elles devenaient à leur tour banales. Mais, croyait-elles, d’une banalité de grand standing. C’était la banalité des exceptions. Pour 81-64-89, ce fut ensuite le train-train à grande vitesse des rendez-vous. On lui avait appris qu’elle était belle ; on allait désormais lui enseigner pourquoi elle ne l’était pas. Dès le premier « casting » où elle fut scannée, 81- 64 découvrit qu’elle était un peu trop épaisse, grise et asymétrique pour exercer sa profession et qu’en dépit de son mètre 80 et de ses efforts constants, sa carrière serait médiocre et vénale. Qu’elle serait celle qui sert et non celle que l’on sert. Avec un sourire de condescendance, sa « bookeuse » ne tarda à lui apprendre qu’il y avait chez elle un défaut plus majeur que ses innombrables manques physiques. Et ce défaut, c’était le manque d’enthousiasme. Pourquoi 81-64 ne faisait-elle aucun effort de complicité juvénile ? Pourquoi ignorait-elle et les règles rudimentaires de la jalousie et de l’amitié en milieu mondain ? Pourquoi snobait-elle les soirées et méconnaissait-elle les magazines du milieu ? Sans un minimum d’efforts d’intégration intellectuelle à la cause, elle ne pouvait espérer bâtir carrière. Et d’ailleurs l’espéraitelle vraiment ? Jouissait-elle seulement de son pouvoir de séduction ? A l’école, la jeune fille avait toujours préféré les cours de géologie aux examens de biologie. Le corps de la terre à celui des hommes. Rencontrer des paysages rares et de nouvelles espèces, telle était son ambition. Parce qu’elle |