Ses jambes avancent sans elle. Buste de musée Grévin, statue mouvante sur son podium, ses gestes ont été mécanisés de sorte à ce que nous la pensions absente. Et d’ailleurs ne l’est-elle pas ? Elle dont le corps a dû disparaître, encore et encore, pour enfin avoir le droit d’apparaître sous les projecteurs. Absente à elle-même, la jeune fille est consacrée à l’autre. Avançant sans y penser, elle sert avec patience et abnégation cette idole silencieuse que rien ne peut satisfaire : la perfection. Celle-ci représente l’inatteignable qu’il faut pourtant atteindre, et la jeune femme continue d’avancer vers ce but qui n’existera jamais. Jeune, on lui avait laissé entendre qu’elle appartenait à la race des exceptions. Elle était l’une de ces filles qui semblent en permanence marcher sur les interrupteurs des mécanismes de nos nuques. A chaque pas qu’elle faisait, un cou se retournait. L’apocalypse aurait pu advenir que nos yeux auraient continué à la fixer, pareille à la robe dans la vitrine qui hypnotise le conducteur et le mène droit au poteau. C’est qu’à l’époque déjà, elle était cet objet de désir caché derrière la vitre d’un corps. Cet objet à qui l’on ne parle pas, ou artificiellement, ou seulement pour demander la permission d’un baiser. Bien souvent d’ailleurs, on prenait le dit-baiser sans demander, puis on cherchait à pénétrer et on tentait de posséder. Ainsi espérait-on secrètement se rapprocher d’Aphrodite, déesse de la beauté dont la jeune fille se découvrait prophète. « L’attestation officielle » de ses qualités physiques fut obtenue sans peine. On lui avait pris un rendez-vous avec une agence comme on |