dévouée, dans toute sa chair et sa psyché, à son enfant, véritable prolongement narcissique d’elle-même. Le sein en devient activement sacré, tout-puissant : il fait de la femme une respectueuse Vierge à l’Enfant et de l’enfant, l’Immortel, protégé par les défenses immunitaires transmises via le lait maternel. Il suffit de visiter le site de la Leche League pour goûter au culte voué au sein nourricier : photos d’orgies de tétées, slogans sous-entendant un allaitement à tout prix, disparition progressive du père dans le discours, témoignages de dépressions maternelles lors du sevrage… Dans ce cadre, les femmes en échec d’allaitement, restent parfois isolées avec des sentiments d’impuissance et de culpabilité massifs. Puisque le sein laiteux est vulgairement prôné (via, notamment, le discours médical ou encore celui des anciennes générations) comme l’auréole phallique qui suggère la puissance -voire magie- du lien maternel. La réalité clinique vient évidemment nuancer cette mascarade puisque l’allaitement, aussi heureux soit-il (c’est-à-dire un allaitement librement désiré par la femme et fonctionnant), sollicite toujours des affects massifs, parfois ambivalents, et est souvent porteur d’enjeux inconscients forts. Qui plus est, dans la réalité, l’homme est bel et bien présent, quelque part entre la bouche salivant du bébé et le sein gonflé de la femme, et son regard porté dessus vient forcément nuancer l’apologie de ce sein nourricier. En effet, l’écho masculin nous remémore le temps précédent la naissance de l’enfant, le temps de la rencontre amoureuse, donnant toute sa place au sein érotique. A l’aune d’une société d’apparences, couronnée du net ART BRANDED 16 qui nous offre, à foison, des fétiches éroticopornographiques, le sein sensuel n’est jamais très loin. Du décolleté séducteur aux tétons en érection durant les préliminaires, le sein apparaît comme l’arme d’explosion massive du plaisir. La dichotomie grosse/petite poitrine, ne représente plus vraiment l’enjeu actuel ; aujourd’hui, il s’agirait plutôt de la capacité féminine à investir, activement, cette zone comme réservoir de sa jouissance sexuelle. Mais, dans le même mouvement, de tolérer une position passive qui permet à l’amant de disposer du sein érotique. Ainsi, le sein, en symbolisant la nourriture charnelle offerte au partenaire, réveille l’essence du féminin dans toute sa dimension esthétique. A cet égard, il est intéressant d’entendre les douloureuses paroles de femmes subissant une mastectomie : avec l’ablation du sein s’envole, non pas le féminin maternel, mais précisément le féminin érotique. Y compris pour les plus jeunes, cette violente mutilation imposée par l’épreuve de la maladie, suscite rarement des angoisses autour de l’impossibilité d’allaiter, mais plutôt, des préoccupations massives autour de la capacité à pouvoir séduire, être pénétrée et être aimée sans poitrine. Ainsi, le sein est identifié à toute une fantasmatique érotique intense et vient inscrire la femme dans son identité sexuelle. |