VENDREDI 18 DÉCEMBRE 2020 BIZWEEK ÉDITION 321 CHRISTIAN BOGMANS est économiste au département des études du FMI (unité matières premières). CLAIRE MENGYI LI est agente de recherche au département des études du Fonds monétaire international. Pour un avenir plus vert : passer du charbon aux énergies de substitution Encore vigoureuse, la demande de charbon contribue au développement économique des pays émergents. Malgré tout, nombre de pays aspirent à un avenir durable et ont amorcé leur sevrage des combustibles fossiles, à plus forte raison du charbon. Leurs efforts se heurtent cependant à des obstacles difficiles à surmonter et le sort des nombreux travailleurs dont le gagne-pain dépend de l’industrie houillère n’est pas le moindre. Dans ce contexte, certains instruments de politique publique peuvent être utiles. L’investissement vert et les progrès technologiques peuvent empêcher le retour en force de la consommation de charbon que laisse entrevoir la reprise et accélérer la transition vers des énergies plus propres. Des politiques bien pensées peuvent par ailleurs atténuer les conséquences de cette transition pour les mineurs et les autres personnes tributaires du secteur du charbon. Un peu d’histoire Le charbon contribue fortement à la pollution locale et aux changements climatiques. Il génère 44% des émissions mondiales de CO2. Lorsqu’il est brûlé pour produire de la POST SCRIPTUM L’économie mondiale s’extirpe peu à peu de la crise de la COVID-19, et après avoir fortement diminué pendant la pandémie, la consommation de charbon devrait rebondir chaleur ou de l’électricité, l’intensité carbonique du charbon est 2,2 fois supérieure à celle du gaz naturel : à quantité égale d’énergie produite, le charbon dégage plus de deux fois plus de dioxyde de carbone que le gaz naturel. Les centrales thermiques au charbon libèrent aussi dans l’air et les cours d’eau du dioxyde de soufre, de l’oxyde d’azote, des particules fines et du mercure qui dégradent l’environnement et qui, comme le confirment des données scientifiques connues depuis longtemps, sont nocifs pour la santé humaine. Selon des études médicales britanniques, 4 000 personnes auraient été tuées par le grand smog de Londres en 1952, une hécatombe imputable au charbon et aux gaz d’échappement des diésels. Il existe un lien étroit entre le niveau de développement d’un pays et sa consommation de charbon. Les pays à revenu intermédiaire sont habituellement ceux qui dépendent le plus du charbon. Pendant la deuxième révolution industrielle, à la jonction des XIXe et XXe siècles, les pays avancés ont rapidement développé une dépendance croissante au charbon. Puis, au fil de l’augmentation des revenus, le charbon a peu à peu été délaissé et remplacé par des combustibles plus efficaces, plus pratiques et moins polluants comme le pétrole, l’énergie nucléaire, le gaz naturel et, plus récemment, les énergies renouvelables. Dans les années 70, trois grands facteurs ont ralenti, et dans certains cas, inversé la tendance à la baisse de la consommation de charbon : 1) les préoccupations liées à la sécurité énergétique, 2) l’électrification croissante et 3) la croissance économique rapide des pays émergents. L’augmentation de la demande d’électricité a stimulé la consommation de charbon dans de nombreux pays avancés qui l’utilisaient pour alimenter leurs centrales électriques et réduire leur dépendance au pétrole importé. Au tournant du siècle, la consommation de charbon a recommencé à baisser dans les pays avancés, une diminution qui a cependant été plus que contrebalancée par la montée en flèche de la demande dans les pays émergents. Aujourd’hui, les pays émergents représentent 76,8% de la consommation mondiale de charbon, dont la Chine pour environ la moitié, et 72,8% du charbon consommé dans le monde sert à produire de l’électricité. Les applications industrielles, notamment l’utilisation de houille à coke dans les aciéries, représentent une autre tranche de 21,6%. Obstacles à l’élimination graduelle du charbon L’élimination du charbon s’étale souvent sur plusieurs décennies. Le Royaume-Uni a mis 46 années pour réduire sa consommation de charbon de 90% par rapport au sommet des années 70. Dans un éventail de pays, la consommation a diminué en moyenne d’à peine 2,3% par année de 1971 à 2017. À ce rythme, il faudrait 43 ans pour éliminer complètement le charbon, à compter de l’année de consommation maximale. Plusieurs facteurs compliquent l’abandon du charbon. Premièrement, dans ses applications industrielles, qui se concentrent surtout dans les pays émergents, le charbon est une source d’énergie difficile à remplacer. L’hydrogène pourrait éventuellement contribuer à « verdir » la sidérurgie, mais la faible tarification actuelle des émissions de carbone n’incite pas vraiment à investir dans la technologie nécessaire. Deuxièmement, les centrales thermiques au charbon ont une durée de vie utile d’au moins 30 à 40 ans. À moins d’une évolution spectaculaire des coûts des énergies renouvelables ou d’une intervention ferme des décideurs, les centrales au charbon existantes ne sont pas près de disparaître. Troisièmement, l’abandon du charbon cause habituellement des pertes pour l’industrie minière et ses travailleurs. Dans les pays à forte consommation de charbon comme la Chine et l’Inde, les intérêts des puissantes sociétés minières compliquent et retardent Cont’d on page 7 6 |