Figure 2 : Les premières images prises dans différentes couleurs de HR 8799 (juillet/aout 2008). Outre les deux objets très évidents au nord-est et nord-ouest, quelque chose d’autre a attiré mon attention : une source semble être cohérente entre les images en bas à droite à 0,61″ (24 au) de l’étoile (la masse estimée était encore environ sept fois la masse de Jupiter). Le bruit de soustraction des images devrait être aléatoire ; nous ne devrions pas voir ce genre de signal se répéter d’une séquence à l’autre, à moins que cette source soit un objet réel… sensibilité est moindre qu’avec les étoiles moins massives. Nous avons passé une bonne partie de la nuit à débattre de l’intérêt d’observer ce genre d’étoiles. Nous allions vraiment à contrecourant du reste de la communauté à ce sujet. Nous avons finalement pu observer HR 8799 en fin de nuit. Durant les observations, Ben a commencé à relire ses notes sur l’étoile. Nous avons alors réalisé l’importance de cette étoile : non seulement nous la croyons jeune (soit moins de 100 millions d’années), mais elle possède également un important disque de poussière entre 100 et 300 au, parfaitement compatible avec les candidates détectées. Ce disque de poussière contiendrait de petits corps rocheux n’ayant jamais formé de planète, soit l’équivalent du disque de Kuiper dans notre système solaire. Les observations terminées, c’était maintenant le temps d’aller au lit. Impossible de dormir : j’ai ouvert l’ordinateur portable pour réduire les données, et une heure plus tard, je confirmais : les deux objets orbitent bien l’étoile ! Nous avions bel et bien la ± {IIe. }. L y première image d’un nouveau système planétaire — et je venais de gagner 10 $ ! L’annonce de la découverte à l’équipe a généré un grand nombre d’échanges. Ben Zuckerman, surpris de la confirmation, ne pouvait pas croire que nous n’avions pas, dans le passé, déjà observé cette étoile. En effet, cette étoile se trouve dans ses listes d’étoiles intéressantes depuis très longtemps. En fait, je n’avais pas pensé de regarder dans nos archives numériques. Après une recherche de nos bases de données, Ben avait raison : nous avions de vieilles images de cette étoile prises en 2002 et en 2004 (donc avant mon arrivée au Lawrence Livermore National Laboratory) ; comment avions-nous pu ne pas les voir ? Au télescope Keck, la planète HR 8799b est visible dans des images non-soustraites par la technique IDA. Les observateurs (notre équipe) auraient dû la voir en prenant les images. En regardant les images de 2002, il est clair que la qualité de ces données n’est pas suffisante pour voir les planètes. Par contre, la planète b est bien visible dans les données de 2004. Les observateurs n’avaient simplement pas assez porté attention aux images. Après une analyse plus approfondie, j’ai même pu détecter la seconde planète ! Nous avions donc deux planètes dans nos données depuis maintenant quatre ans et cela, sans que les données ne soient convenablement analysées. Par un pur hasard, Travis Barman et moi (les deux personnes en charge de l’analyse des données) avions passé par-dessus cette séquence en pensant que c’est l’autre qui la regarderait… C’est la seule séquence problématique — sur plus de 400 — qui pouvait générer une ambigüité sur qui devait l’analyser ; quelle malchance ! Avec cet intervalle de quatre ans, nous confirmions hors de tout doute que les deux objets orbitent l’étoile. Nous voyions également le mouvement orbital antihoraire des deux planètes, compatible avec les lois de Kepler ! Caractérisation des planètes et publication de la découverte Suite à la confirmation de ces deux objets, nous avons immédiatement demandé plus de temps de télescope afin de caractériser l’atmosphère de ces deux planètes. Bruce Macintosh a contacté le personnel du Keck, et j’ai discuté aveccelui de Gemini. Nous devions avoir le plus rapidement possible un éventail de couleurs afin de nous convaincre que ce sont bien des planètes et non des naines brunes (objets ayant une masse supérieure à 13 fois la masse de Jupiter). Nous avons réussi à obtenir des heures supplémentaires au Keck, mais non à Gemini, car ils étaient en procédure de réaluminisation du miroir primaire. Afin de nous assurer d’une bonne photométrie pour les deux objets, nous avons choisi un coronographe (instrument servant à masquer l’étoile) très conservateur, qui bloquait environ 0,4″ de rayon autour de l’étoile. Après plusieurs missions d’observations et de longues journées de travail à analyser et à estimer la position et la brillance des deux planètes, nous avions maintenant plusieurs couleurs. L’équipe avait décidé de soumettre un article à Science, et nous étions presque prêts à l’envoyer (il restait environ trois semaines de travail). Un soir, pendant que ma conjointe regardait une émission de télévision, je m’amusais à mettre les différentes images couleurs dans mon afficheur d’images pour les comparer (figure 2)… 22 Astronomie-Québec Septembre/octobre 2013 |