disant « baiser de Vénus » n’est qu’une coïncidence. D’autres ont même récemment affirmé que le phénomène n’existe pas, que les deux planètes ne sont pas vraiment en phase. Ils se basent sur les mesures prises par la sonde Vénus-Express, de l’Agence spatiale européenne, qui a survolé Vénus en 2006. La sonde a révélé que les détails de la surface vénusienne, lors de la conjonction inférieure, étaient décalés d’environ 16 km par rapport à l’endroit où ils étaient 16 ans plus tôt, lorsque la sonde Magellan avait cartographié Vénus dans son entier. Cela correspond à une différence de longitude de 0,15°. Vénus se trouve donc dans une orientation légèrement différente à chaque nouvelle conjonction. Adieu, baiser ! Mais pas si vite ! Quinze centièmes de degré, c’est vraiment peu… Peut-être que la rotation de Vénus est irrégulière ? Comme la Terre, par exemple, qui accélère ou ralentit très légèrement à cause de la fonte des glaciers, des séismes, des marées… Certains semblent de cet avis. La revue française Pour la science (http://www.pourlascience.fr) du 4 mars 2012 titrait « La rotation de Vénus ralentit » : L’explication la plus probable de ce ralentissement est l’interaction surface–atmosphère. L’atmosphère de Vénus est si dense (plus de 90 fois la pression atmosphérique terrestre) que les frottements qu’elle exerce modifient la rotation solide. […] Ce ralentissement serait variable dans le temps, et non continu. Un phénomène similaire existe sur Terre, à l’interface des océans et du plancher océanique, mais les variations sont de l’ordre de la milliseconde… Une autre explication, moins plausible, met en jeu l’échange de moment cinétique entre Vénus et la Terre aux moments où les deux planètes sont proches. Tiens, tiens… Le moment cinétique, c’est l’énergie d’un corps en rotation. Regardons, par exemple, l’effet des marées. La Lune provoque la montée des océans. Mais celle-ci prend un certain temps : lorsque la marée devient haute à un endroit donné, celui-ci n’est plus directement sous la Lune, mais un peu plus loin, entrainé par la rotation de la Terre. Cette « bosse » de marée est attirée obliquement par la Lune, ce qui provoque un ralentissement de la Terre. Regardez le schéma ci-dessous : la force oblique s’oppose légèrement à la rotation de la planète. La Terre perd donc une partie de son moment cinétique ; elle ralentit à cause des marées. Il y a 380 millions d’années, la Terre tournait plus vite et la journée durait seulement 22 heures. Maintenant qu’on mesure les secondes avec des horloges atomiques, on est souvent obligé d’ajouter une seconde, à la fin de l’année, pour tenir compte de l’allongement des jours. La dernière minute du 30 juin ou du 31 décembre dure alors 61 secondes. C’est arrivé en 2008 et aussi le 30 juin 2012 ! Cette énergie perdue par la Terre est transférée à la Lune. Regardez encore le schéma : l’attraction se fait dans les deux sens. La « bosse » de la Terre attire la Lune obliquement, lui donnant une impulsion vers l’avant ; la Lune accélère sur son orbite. Cela augmente l’effet centrifuge, et la Lune s’éloigne de nous de 3,8 cm par an. La Terre a donné une partie de son énergie de rotation à la Lune. Revenons à Vénus. Si celle-ci était très rapprochée de la Terre (ci-dessous), les effets de marée mutuels provoqueraient un ralentissement de la rotation des deux planètes, de même qu’une accélération de chacune dans la direction de la rotation. La Terre se ferait pousser vers l’avant, ce qui l’éloignerait un peu du Soleil. Vénus, au contraire, ralentirait sur son orbite, ce qui la ferait s’approcher du Soleil. Les deux planètes auraient donc tendance à s’éloigner l’une de l’autre, comme la Terre et la Lune. Ça pourrait s’être produit dans les premiers temps du Système solaire. La Terre a pu se trouver, 6 Astronomie-Québec Juillet–aout 2012 |