ARTE MAG N°51. LE PROGRAMME DU 14 AU 20 DÉCEMBRE 2019 6 Au fil d’une investigation très documentée, le réalisateur Jérôme Fritel dévoile la financiarisation en cours de l’eau, ressource vitale qui se raréfie et aiguise l’appétit des marchés. Entretien. La ruée vers l’or bleu Jérôme Fritel Pourquoi l’eau s’est-elle mise à intéresser les marchés financiers ? Jérôme Fritel : En raison du réchauffement climatique et des sécheresses de plus en plus régulières, l’offre tend à se raréfier tandis que la demande augmente. La population mondiale se développe et les classes moyennes des pays émergents, en Chine ou en Inde, consomment davantage. Par conséquent, les Nations unies estiment que la demande en eau va croître de 50% d’ici à 2030 et que 40% de la population mondiale souffrira de pénuries. Pour des marchés financiers régulés par la loi de l’offre et de la demande, l’eau est donc logiquement en train de devenir la ressource la plus convoitée de la planète, car il y en aura de moins en moins et sans doute pas pour tout le monde. Vous parlez même d’une tentative d’OPA... Face à cette pénurie annoncée, la question est de savoir comment répartir l’eau entre ses principaux consommateurs, à savoir l’agriculture, l’industrie, les villes, la planète... La philosophie libérale prône la solution des marchés. En Australie, le pays le plus avancé dans cette marchandisation de l’eau, des quotas sont ainsi attribués chaque saison. Libre ensuite à chacun de revendre ses excédents ou d’acheter plus d’eau sur des bourses ouvertes à tous. Des investisseurs spéculent, faisant monter les cours à la hausse, avec cet effet pervers attendu : la loi du marché est celle du plus fort. Les petites fermes familiales australiennes, qui n’ont pas pu lutter, ont dû cesser leur activité. On se met à raisonner avec l’eau, comme avec le pétrole, le charbon ou le blé. MAGNÉTO PRESSE |