ARTE MAG N°50. LE PROGRAMME DU 5 AU 11 DÉCEMBRE 2020 6 Paroles dégoupillées Dans la cadre des nuits de «La lucarne», rendezvous dédié aux écritures documentaires singulières, ARTE diffuse Headshot, où Antonia Buresi et Lola Quivoron captent la révolte de jeunes Européens participant à une performance théâtrale. Une parole émancipée et jouissive. Antonia Buresi et Lola Quivoron Lundi 7 décembre à 0.35 Documentaire Headshot Roulette russe Lire page 17 30/11 4/2/2021 1 En quoi cette performance théâtrale a-t-elle pu vous donner matière à documentaire ? Antonia Buresi : En tant qu’actrice et performeuse, je travaille depuis dix ans avec Ana Borralho et João Galante, les deux créateurs de Gâchette du bonheur, une performance sur la prise de parole de jeunes âgés de 18 à 23 ans. J’ai participé à la conception de son dispositif dramaturgique. Quand la réalisatrice Lola Quivoron est venue assister aux premières répétitions avec des jeunes de la commune de Vieux-Condé, dans la banlieue de Valenciennes, elle a été frappée par leur engagement, la façon dont ils et elles prenaient d’assaut l’espace scénique. Le désir d’en faire un film est né à cet endroit. De quelle manière avez-vous travaillé pour saisir Gâchette du bonheur ? Lola Quivoron : En filmant la danse ou le théâtre, le danger est de tomber dans la captation. L’enjeu consistait donc à nous infiltrer dans le processus du travail théâtral pour saisir la nécessité de ces jeunes à faire exploser la parole, et à s’en emparer comme d’une arme. Pour nous démarquer de la scène, nous avons choisi d’observer en gros plan, de scruter les visages, avec cette grande proximité que permet la caméra. Ce point de vue découpé construit un autre espace, plus abstrait, où dialoguent les histoires. En passant d’un pays à l’autre – l’Italie, l’Espagne, la France, l’Autriche et la Slovénie –, le film établit de nouveaux rapports entre les visages, les langues, crée des écoutes et des résonances, au-delà des territoires. Une simulation de roulette russe enjoint à la prise de parole. Quel est le sens de ce dispositif dont vous avez fait un élément central du film ? A. B. : Dans la performance, une arme fictive passe de main en main jusqu’à ce que sa détonation aléatoire – un ballon qui explose – désigne celui ou celle qui doit parler. Cette simulation de mise à mort est un appel assez violent à la parole, comme si elle était imposée. Mais ce geste à la symbolique forte LES FILMS DE PIERRE |