ARTE MAG N°22. LE PROGRAMME DU 23 AU 29 MAI 2020 6 Le risque de l’humain augmenté Depuis l’essor des thérapies géniques à la fin du XX e siècle, la science peut désormais recoder génétiquement un individu. Ce symbole d’espoir pour les malades pose aussi des défis éthiques fondamentaux pointés dans un passionnant documentaire. La vie en une séquence Longtemps terra incognita de la science, le génome humain représente à la fois un vivier prometteur de connaissances et un champ d’expérimentation risqué. Son impressionnante cartographie formée d’environ 3,4 milliards de molécules (des «marqueurs» ADN transportant les gènes) est désormais lisible dans sa totalité depuis 2004. Impulsé dans les années 1950 par les travaux de l’Américain James Watson et du Britannique Francis Crick, ce séquençage a suscité le développement des thérapies géniques – l’injection d’un gène «médicament» dans l’organisme pour suppléer un gène malade –, et avec elles, de sérieux espoirs de traiter des pathologies allant des affections cardiaques aux maladies neurodégénératives. Aujourd’hui, bien des mystères restent à percer, notamment le surgissement des tumeurs. Or la décennie 2010 a accouché d’une autre option : intervenir à la source du code génétique. Autrement dit, le modifier. Des thérapies aux ciseaux Dès 1971, Paul Berg, le père américain de l’expérience sur l’«ADN recombinant» – l’incorporation d’un fragment d’ADN dans un autre –, alerte sur les risques de manipulation induits par le progrès scientifique. En 1997, en pleine émergence des thérapies géniques, la convention d’Oviedo, signée par vingt-neuf pays, pose des limites claires, dont l’interdiction de pratiquer des modifications génétiques transmissibles à la descendance. Ces restrictions s’appliquent aussi à la nouvelle chirurgie du génome incarnée par le système CRISPR-Cas9, connu sous le nom de «ciseaux génétiques». Il permet de remplacer, de désactiver voire de supprimer n’importe quel gène en coupant une séquence d’ADN. Son usage s’est révélé prometteur dans l’étude de dystrophies musculaires menée sur des souris. La fabrique des bébés OGM Deux ans seulement après la première commercialisation du CRISPR-Cas9, le biologiste chinois Huang Junjiu revendique, en avril 2015, une modification d’ADN d’embryons humains, non viables, atteints de bêta-thalassémie (une maladie génétique de l’hémoglobine) et obtenus auprès de cliniques spécialisées dans la fécondation in vitro. En 2018, son collègue He Jiankui va plus loin en annonçant, cette fois-ci, la naissance de jumelles «recodées» pour résister au VIH. Très controversée, cette innovation, réalisée sans l’aval de la communauté scientifique internationale, interroge sur le dévoiement possible de la sélection génétique. Des humains augmentés peupleront-ils les générations futures ? Benoît Hervieu-Léger Disponible en DVD chez ARTE Éditions le 25 août. Samedi 23 mai à 20.50 Documentaire Il était une fois les gènes (1 & 2) Lire page 9 20/8 GETTY IMAGES |