DOCUMENTAIRE ANA CIOCOLATESCU Festival du documentaire 2021 Acasa, l’adieu au fleuve Après avoir toujours vécu en pleine nature aux portes de Bucarest, une famille rom est déplacée en ville... Récompensé dans de nombreux festivals, un documentaire éblouissant, teinté d’une subtile réflexion sur la liberté. Pendant deux décennies, la famille de Gica Enache a pris possession d’un coin de nature aux portes de Bucarest. Dans la zone marécageuse de l’ancien réservoir de Vacaresti, construit sous l’ère Ceausescu, ils vivent sans confort dans une cabane de fortune envahie par les animaux de basse-cour. «Je voulais fuir cette horrible civilisation», explique le pater familias. Pour permettre aux siens de subsister, Vali, l’aîné des neuf enfants, part en ville vendre sa pêche du jour. Avec ses frères, il récupère aussi quelques pièces de monnaie en rapportant au recyclage bouteilles en plastique et canettes trouvées dans les poubelles. Mais après plusieurs années de rapports et d’études, la municipalité de Bucarest est parvenue à obtenir le classement de la zone en parc naturel urbain, «le plus vaste d’Europe», précisent, fièrement, les autorités face à la presse. Les jours des Enache dans leur petit paradis sont désormais comptés... NOUVELLE VIE Plusieurs années durant, le journaliste Radu Ciorniciuc a suivi la famille Enache dans son éden puis dans sa nouvelle vie citadine. Autrefois livrée à elle-même au milieu d’un 18 ARTE MAG N°48 LE PROGRAMME DU 27 nov. au 3 déc. 2021 merveilleux terrain de jeu, où s’ébattent une centaine d’oiseaux différents et des espèces protégées, comme les loutres, la pléthorique fratrie se plaisait à barboter dans le lac, à courir à travers les roseaux, à rire et chahuter. Mais eux qui avaient toujours vécu en marge de la société se retrouvent en ville entassés à onze dans un appartement avec machine à laver. Scolarisés pour la première fois, les enfants apprennent à lire, les plus grands pianotent sur un smartphone : leurs anciens repères sont balayés, alors que le père, jadis tout-puissant, vacille sur son trône... Portant un regard attendri sur cette tribu, avec ce film primé dans de nombreux festivals, Radu Ciorniciuc teinte sa difficile intégration de mélancolie, celle de cette chère liberté qui lui a été enlevée. Meilleur documentaire, section «World Cinema», Sundance 2020 Documentaire de Radu Ciorniciuc (Roumanie, 2020, 1h26mn) - Production : Company Manifest Film, HBO Europe, Corso Film, Kinocompany # samedi 27/11 à 23.55 @ du 26/11/2021 au 24/02/2022 La lucarne/Festival du documentaire 2021 Notre mémoire nous appartient Trois insurgés syriens aujourd’hui en exil se retrouvent pour commenter leurs images tournées au début de la guerre contre Bachar el-Assad. Un poignant exercice de mémoire. «Comment survit-on ? En oubliant, ou en se souvenant ? » La question taraude tant le réalisateur Rami Farah qu’il propose à trois insurgés syriens de se retrouver après des années d’exil, pour évoquer les débuts de la révolte contre le régime de Bachar el-Assad. En 2011, Yadan, Odaï et Rani ont participé aux premières émeutes de Deraa, épicentre de la contestation au sud du pays, et filmé les manifestations et la répression, leurs images étant notamment reprises par Al-Jazeera. Dix ans plus tard, les trois amis sont réunis au cœur d’un dispositif singulier imaginé par Rami Farah : debout sur la scène d’un théâtre sans public à Paris, ils se retrouvent face aux vidéos brutes qu’ils ont, pour certaines, tournées eux-mêmes à l’époque, et que le réalisateur diffuse sur un écran géant. EXORCISME DE L’IMAGE C’est donc à une expérience éprouvante que sont conviés ceux qui, en 2011, ont «filmé pour attester et s’approprier les événements». La puissance d’évocation des images et la résurgence frontale du passé les poussent dans leurs retranchements : ils doivent puiser au plus profond de leurs ressources pour évoquer leurs compagnons de route dont «80% sont ensevelis». Au fil des séquences où l’émotion, les accolades, la colère, mais aussi l’humour aident à exorciser les traumatismes désenfouis, se dessine avec plus de netteté ce moment de bascule où le soulèvement pacifique des débuts s’est transformé en une guerre sans pitié. Un exercice de mémoire collective vibrant, poignant, essentiel à l’esprit de résistance incarné avec dignité par ces combattants. Documentaire de Rami Farah (France/Syrie/Danemark/Palestine, 2021, 1h30mn) - Auteurs : Rami Farah et Signe Byrge Sorensen - Production : Final Cut for Real, On screen Off, record Productions & OSOR Palestine, en association avec ARTE France-La lucarne FINAL CUT FOR REAL # lundi 29/11 à 0.30 @ du 22/11/2021 au 27/05/2022 |