ARTE MAG N°13. LE PROGRAMME DU 27 MARS AU 2 AVRIL 2021 6 Docteur Kitano et Mister Takeshi 24/3 29/5 Mercredi 31 mars à 22.45 Documentaire Citizen Kitano Suivi à 23.40 du film L’été de Kikujiro 29/4 Lire page 21 Avec la sortie sur les écrans, en 1995, de Sonatine, mélodie mortelle (1993), quatrième long métrage du Japonais Takeshi Kitano, les Français découvraient une histoire de yakuzas stylisée au montage elliptique, étrange alliage de violence brute et de burlesque. Lion d’or à Venise deux ans plus tard pour Hana-bi, film noir épuré et mélancolique dont il était, comme souvent, l’interprète, Kitano est dès lors considéré en Europe comme un maître du cinéma d’auteur. Or, dans son pays natal, « Beat » Takeshi est une immense star déjantée de la télévision, qui a bataillé pour faire reconnaître ses talents de cinéaste. Cela lui prendra des années pour s’imposer dans le registre dramatique, à force de rôles violents et de films noirs. Ces deux facettes a priori opposées, qu’il réunira avec humour dans le film Takeshis’, ont pour origine commune une jeunesse à laquelle il ne cesse de revenir. Né en 1947 dans un quartier pauvre de Tokyo dévasté par la guerre, le petit Takeshi grandit entouré de fils des yakuzas, qui inspireront ses futurs personnages. Jeune étudiant rebelle, il est influencé par le cinéma décrivant le milieu de la pègre, notamment celui de Kinji Fukasaku, qu’il remplace au pied levé pour sa première réalisation en 1989, Violent Cop. La figure du truand peuple son œuvre, y compris dans L’été de Kikujiro (1999), filmé à hauteur d’enfant, dans lequel il joue le protecteur roublard d’un gamin parti à la recherche de sa mère. DE KEATON À ZATOICHI De cette jeunesse turbulente, il faut aussi retenir la fréquentation des théâtres et cabarets interlopes du quartier d’Asakusa, où il fera ses débuts, évoqués dans Kids Return (1996). Cette immersion dans les arts populaires nippons se révélera primordiale dans sa carrière, que ce soit à travers Humoriste vedette au Japon, artiste aux multiples facettes, Takeshi Kitano s’est fait connaître en Occident par ses talents de cinéaste. À l’occasion de la soirée qui lui est consacrée, retour sur une filmographie virtuose, qui s’enracine dans une enfance turbulente. le manzai, duo comique dont il est dès 1972 le représentant acclamé, ou le théâtre de marionnettes bunraku, qui lui inspire en 2002 le flamboyant Dolls. Mais si la culture japonaise imprègne son œuvre, du mythique samouraï Zatoichi, qu’il incarna, teint en blond (!) , dans son iconoclaste film homonyme de 2003, jusqu’à sa prochaine – et peut-être ultime – réalisation, une adaptation de son propre roman, Kubi, situé en 1582, ce touche-à-tout de génie s’inspire aussi de l’Occident. Outre son jeu minimaliste et son visage impassible rappelant Buster Keaton, il revendique l’influence burlesque des Charlot et Laurel et Hardy de ses jeunes années. Aussi taiseux à l’écran qu’agité à la ville, qu’il soit clown cathodique au rire féroce, policier ou tueur à la violence explosive, Kitano l’électron libre a toujours l’enfance au cœur. Marie Gérard EVERETT COLLECTION/BRIDGEMAN IMAGES |