ARTE MAG N°3. LE PROGRAMME DU 16 AU 22 JANVIER 2021 8 À l’affût des tendances, Brian Jones a posé les bases musicales des Rolling Stones et suscité l’image sulfureuse du groupe. Retour sur les inspirations du premier ange déchu du rock auquel Patrick Boudet consacre un beau portrait. Brian J nes, l’âme perdue des Stones Vendredi 22 janvier à 22.40 15/1 28/1 Documentaire La vie de Brian Jones Lire page 25 S’il n’a composé aucune de leurs chansons, Brian Jones a marqué d’une empreinte indélébile les Rolling Stones, qu’il baptise ainsi en 1963 en s’inspirant de « Rollin’Stone », un succès de Muddy Waters. Plus qu’un mélodiste, ce fils d’une pianiste élevé dans un milieu aisé a insufflé les lignes directrices de l’identité musicale du groupe, en la teintant des couleurs primaires du blues, vers lesquelles les Stones reviendront en 2016 avec l’album de reprises Blue & Lonesome. SITAR ET MARIMBAS L’effet est immédiat, lorsque, début 1962, Keith Richards et Mick Jagger découvrent ce musicien de génie à l’Ealing Jazz Club de Londres. Les deux garçons débarqués du Kent n’en reviennent pas de son interprétation à la guitare slide du classique « Dust My Broom » repris par Elmore James. Dès lors, ils vont tout faire pour rallier ce protégé du bluesman blanc Alexis Korner. Mais Brian Jones ne se contente pas de jouer de la guitare. Rappelons-nous le sitar de « Mothers Little Helper », les marimbas sur « Under my Thumb » ou le dulcimer de « Lady Jane » sur le chef-d’œuvre de 1966, Aftermath. De la flûte à l’accordéon, ce fils d’ingénieur en électronique maîtrise une flopée d’instruments qui, à l’instar de l’image d’anges déchus que le groupe cultive, pimentent ses succès. Cette contribution culminera avec l’album Their Satanic Majesties Request où Brian Jones ajoute le saxophone et le mellotron à sa large palette d’accessoires. Mais, alors que le blues fondateur a déjà mué vers une pop psychédélique épousant l’esprit flower power de l’époque, la place de Brian Jones est de plus en plus contestée par les assauts répétés de l’attelage Jagger-Richards. PERTE DE CONTRÔLE Pour le tandem, il ne s’agit pas seulement de s’arroger la paternité de la composition mais aussi de tout ce qui lui est consubstantiel. Car l’apport du leader originel des Stones n’est pas uniquement musical, il réside également dans un soin apporté à l’aura sulfureuse du groupe rival des Beatles. Le 27 février 1967, alors qu’il est hospitalisé pour une crise d’asthme à Albi, Brian Jones perd pied en apprenant que sa fiancée, la top model Anita Pallenberg, est tombée dans les bras de son double guitaristique. Keith Richards, en lui chipant l’élue de son cœur, va également s’octroyer le rôle central du musicien bohème — et bientôt aussi, drogué. Quant à Mick Jagger, il va hériter de la place de leader qui paraissait naturellement lui revenir. À l’hiver 1968, Brian Jones offre ses dernières notes pour l’album Let it Bleed, jouées sur une autoharpe et quelques percussions. Mais l’ange blond est déjà ailleurs… Ludovic Perrin WOLFGANG KUHN/UNITED ARCHIVES VIA GETTY IMAGES |