ARTE MAG N°51. LE PROGRAMME DU 12 AU 18 DÉCEMBRE 2020 8 Mardi 15 décembre à 20.50 Documentaire Drôle de guerre Lire page 18 I 8/12 4/12/2022 Cédric Gruat L’absurde attente En quoi la « drôle de guerre » vous a-t-elle particulièrement intéressé ? Cédric Gruat : Après avoir réalisé pour ARTE Le temps du retour, qui traitait de la fin de la Seconde Guerre mondiale, il était intéressant de travailler sur l’ouverture du conflit, autre moment charnière de l’époque. La période 1939-1940 a été assez peu explorée et souvent à travers le prisme de la défaite, biaisant ainsi notre regard. Je suis au contraire parti du postulat qu’en septembre 1939, lorsque la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne, rien n’est joué, tout est possible, et que la défaite française n’est pas déjà écrite. Comment avez-vous abordé la question des archives ? Je me suis appuyé sur les travaux de l’historien Fabrice Grenard *, qui a notamment étudié le « fonds de Moscou », un important ensemble d’archives saisies en 1945 en Allemagne par les Soviétiques et restituées à la France entre 1994 et 2001. Elles montrent sous un jour nouveau l’opinion publique au moment de l’entrée en guerre, et révèlent que les Français font confiance à la stratégie militaire adoptée. Le retrait derrière la ligne Maginot est bien compris et accepté, dans la mesure où la France n’est pas encore prête à combattre. Quelles autres archives avez-vous utilisées ? J’ai tenu à mettre en lumière les points de vue des deux camps pour expliquer comment cette stratégie, Si l’on présente souvent la « drôle de guerre » (1939-1940) comme le prélude à une victoire inéluctable de l’Allemagne nazie sur les Alliés, rien ne fut joué d’avance, souligne le réalisateur Cédric Gruat dans un documentaire riche d’archives passionnantes. Entretien. cohérente au départ, s’est progressivement avérée mauvaise. J’ai donc collecté des images françaises, britanniques et allemandes, essentiellement tournées par les armées, ainsi que d’autres archives assez rares, provenant de films amateurs, pour insuffler de la vie au récit. Très émouvantes, certaines lettres de soldats qui ont passé le filtre de la censure montrent aussi combien l’attente qui perdure finit par paraître absurde. Quelles sont les grandes étapes de la « drôle de guerre » ? À la fin de l’été 1939, à la déclaration de guerre, la confiance prime tant du côté français que du côté anglais. Elle commence à s’effilocher avec l’automne. Le doute s’installe. Les Français se demandent combien de temps la guerre va durer et pourquoi l’armée n’attaque pas. Chez les soldats, l’ennui cède le pas à la dépression au cours d’un hiver très rigoureux. La propagande allemande contribue à saper le moral des troupes. Au printemps, tout s’accélère. En avril, l’Allemagne attaque le Danemark et la Norvège. Les Alliés ripostent, marquant la fin de la « drôle de guerre » quelques jours avant l’offensive d’Hitler à l’ouest et la débâcle en France. Propos recueillis par Laure Naimski * Auteur notamment de La drôle de guerre – L’entrée en guerre des Français (Éditions Belin, 2015). ECPAD |