ARTE MAG N°39. LE PROGRAMME DU 19 AU 25 SEPTEMBRE 2020 8 En 2014, lors de l’opération « Bordure protectrice », un missile israélien, dont l’une des pièces provient d’une entreprise française, tue trois enfants palestiniens. Un documentaire suit pas à pas le combat de leur famille, qui a déposé plainte en France contre le fabricant. Entretien avec Alice Odiot *, sa coréalisatrice. Une famille palestinienne contre Goliath Mardi 22 septembre à 23.25 Documentaire Made in France Au service de la guerre Lire page 19 15/9 21/10 Géopolitique : les grands docus d’ARTE « Thema » propose, à l’antenne et en ligne, une série de documentaires géopolitiques inédits tous les mardis soir du 8 septembre au 6 octobre et à partir du 1er septembre sur arte.tv. Alice Odiot Votre documentaire pose cette question : les fabricants d’armes sont-ils coupables des crimes commis avec leurs marchandises ? Alice Odiot : Pour la première fois, une procédure judiciaire examine le lien entre la mort de trois enfants et une société d’armement française. Un fabricant de matériel de guerre, dont on retrouve l’un des composants sur une scène de crime de guerre, est-il complice ? Peut-être. Il est permis d’avoir des doutes mais imaginez que la justice française réponde par l’affirmative : nous aurions là une jurisprudence aux conséquences inimaginables. Vous mettez en avant un article du Code pénal : « Est complice d’un crime la personne qui sciemment, par aide ou par assistance, en a facilité la préparation. » C’est le fondement de cette procédure, le chemin de traverse juridique emprunté par Joseph Breham – l’avocat qui représente les proches de ces enfants tués. Cela paraît tout simple, mais voilà la problématique des exportations d’armes ramenée à un débat sur la responsabilité pénale. Que représente cette procédure pour les parents des enfants disparus ? Elle est fondamentale car les parents que nous avons filmés sont face à un deuil qui est impossible sans procès. Ils ont porté plainte en Israël, comme d’autres familles gazaouies ayant perdu leurs enfants lors de l’opération « Bordure protectrice » de 2014 [une offensive israélienne dans la bande de Gaza, en 2014, qui, selon l’ONU, a notamment coûté la vie à plus de 500 enfants, NDLR]. Ces plaintes sont toutes restées sans réponse. Alors que leur reste-t-il ? Cette action en France, tout à fait inédite. Ils savent que cela sera très long mais il leur paraît légitime d’attendre qu’un procès se tienne dans le pays où a été fabriqué ce matériel de guerre. Et leurs attentes sont immenses. Ce n’est pas la seule famille à Gaza qui ait retrouvé, parmi les débris des missiles qui ont tué leurs enfants, un petit bout de métal où l’on peut lire « France » et le nom du fabricant. Ils l’ont gardé, comme une terrible relique. Justement, un procès est-il déjà prévu ? Pas pour le moment. Nous ne savons pas si l’entreprise impliquée a été entendue. À l’heure actuelle, je peux seulement vous dire que les parties civiles à Gaza ont été reçues en visioconférence par un juge et que l’instruction se poursuit. Cette procédure, c’est David contre Goliath ? Logiquement, Israël défend fermement le fait qu’aucun procès ne vienne questionner son armée ni les opérations menées dans les territoires qu’il occupe. Nous filmons à Gaza des gens pris au piège, mais qui ont encore suffisamment de courage pour chercher justice. Alors, oui, comme le dit l’avocat dans le documentaire, cette procédure c’est David contre Goliath. Si David gagne, cela pourrait poser quelques problèmes diplomatiques. Propos recueillis par Raphaël Badache * Prix Albert-Londres de l’audiovisuel en 2012 pour Zambie, à qui profite le cuivre ? DR/ARTE |