ARTE MAG N°46. LE PROGRAMME DU 9 AU 15 NOVEMBRE 2019 6 Mercredi 13 novembre à 22.50 Documentaire Salman Rushdie La mort aux trousses Lire page 17 En avant-première depuis le 2 octobre Disponible jusqu’au 3 mars 2020 William Karel Les versets cathartiques Aviez-vous lu Les versets sataniques lors de la parution du roman ? William Karel : J’avais commencé à l’époque ce récit de plus de 500 pages, et puis je l’avoue, j’avais abandonné, parce que je n’avais pas su voir qu’il annonçait le monde dans lequel nous allions vivre. Ce qui est frappant, quand on le lit aujourd’hui, c’est son caractère visionnaire, prophétique : à un moment où l’Occident n’a aucune conscience du danger, Rushdie y annonce l’emprise que le fondamentalisme islamique va exercer sur nos existences. Il y a trente ans, personne n’imagine qu’en Europe on puisse être condamné à mort pour avoir écrit un roman. D’ailleurs, malgré son intuition et sa lucidité, Rushdie non plus. Au total, il y aura plus de soixante morts, et lui-même échappera à une vingtaine de tentatives d’assassinat. Cette condamnation à mort a fait de lui un symbole, et donc une figure mondiale, depuis sa clandestinité… Plaider publiquement sa cause, rappeler son calvaire d’homme proscrit a été pour lui une question de survie pendant ces dix années de clandestinité. On voit bien, dans le film, combien les manifestations de solidarité ont constitué une résistance certes symbolique, mais aussi vitale. Inversement, le discours de figures comme John Le Carré, Roald Dahl ou le prince Charles, qui ont critiqué le livre pour avoir offensé l’islam, relève pour moi d’une En 1989, condamné à mort par une fatwa de Khomeyni pour Les versets sataniques, l’écrivain Salman Rushdie plongeait dans la clandestinité. Avec sa complicité, William Karel consacre un documentaire, trente ans après, à ce livre « prophétique ». forme de renoncement face à la terreur. Après l’affaire des caricatures de Mahomet, et bien sûr le massacre à Charlie hebdo, nul ne peut plus ignorer la réalité de la menace. Mais comme le souligne Rushdie, l’Occident a abandonné une part de sa liberté de parole et de dénonciation face au fanatisme. L’affaire des Versets sataniques est fascinante parce qu’elle résume à elle seule tous les aspects d’une crise dans laquelle nous restons englués. En interviewant Rushdie à New York, où il vit aujourd’hui, qu’avez-vous découvert que vous ne saviez pas ? J’ai d’abord rencontré un bon vivant, plein d’humour, toujours prêt à s’amuser, étonnamment dénué de ressentiment et d’inquiétude, ce qui chez lui semble aussi une forme de résistance. J’ai été surpris par son optimisme, alors qu’il reste menacé malgré la levée de la fatwa iranienne. Il s’est même dit convaincu que l’islamisme radical serait balayé d’un coup, sans qu’on s’y attende, comme la superpuissance soviétique il y a trente ans. Propos recueillis par Irène Berelowitch Les films de la collection « Les grands romans du scandale » sont disponibles en avant-première sur arte.tv. GUILHEM LOPEZ/BRIGEMAN IMAGES |