ARTE MAG N°41. LE PROGRAMME DU 5 AU 11 OCTOBRE 2019 8 Peintre avant-gardiste et solitaire, Edgar Degas a puisé son inspiration à l’opéra, dont il raffolait. Zoom sur trois œuvres de l’artiste avec Leïla Jarbouai, co-commissaire de l’exposition * qui lui est consacrée au musée d’Orsay. Danseuses basculant « Degas réalise cette œuvre à la fin des années 1870. Avec les impressionnistes, il participe à la destruction des frontières et des hiérarchies entre les arts, les genres et les techniques. À travers cette toile qui allie le réalisme – dans le traitement des visages, de l’éclairage – au côté surréel de la scène, il revalorise le pastel, qui prendra une place prépondérante dans sa longue carrière. La poudre de pastel, offrant un chatoiement de couleurs très vives, fraîches, lumineuses, permet de représenter à merveille la magie et l’éphémère du spectacle, la peau qui scintille sous la lumière artificielle de la scène. Degas innove aussi par son cadrage très dynamique : il n’hésite pas à décentrer, à couper les danseuses, les transformant en personnages presque magiques. Une vision très moderne. » Splendeurs et misères des danseuses L’entrée en scène « Degas voulait peindre la réalité sociale de son temps, en se gardant toutefois de juger. On voit là un abonné, en habit noir, autant élégant que raide, qui vient courtiser une jeune danseuse. Avec ce tableau, l’artiste dévoile l’envers de la magie de la scène : autrement dit, il peint la prostitution, très présente alors à l’opéra. C’est l’univers des contraires. Le vulgaire se mêle au raffinement, la féerie à la corruption, la pesanteur à l’envol, ce que symbolise le contraste entre cet homme vertical, vêtu de noir, et cette femme tout en rondeur, avec son minois ‘populacier’pour reprendre un mot du peintre, et son tutu rose. Degas, qui appréciait beaucoup Daumier, s’invite dans l’univers de la caricature, toujours dans cette volonté de mélanger les genres. » Dimanche 6 octobre à 17.35 Documentaire Degas à l’Opéra Lire page 13 En ligne du 29 septembre au 4 décembre La petite danseuse de 14 ans « Voici une sculpture extrêmement réaliste qui a beaucoup choqué à l’époque. Déjà, Degas présente une alliance de matériaux alors rarissime dans les beaux-arts. La cire est associée à du crin, du tissu, de vrais chaussons… De plus, cette danseuse renvoie à la réalité crue, bien loin de l’idéalisation permise par le pastel. Là, on a face à soi la petite travailleuse de l’opéra, l’adolescente maigre et volontaire, fragile et en proie au pire : à l’abonné-prédateur, à cette difficile industrie de la chair qu’était finalement la danse. Degas casse le mythe de la danseuse éthérée s’envolant dans la beauté des tissus. La logique du réalisme est poussée jusqu’au bout. » Propos recueillis par Raphaël Badache * ARTE est partenaire de l’exposition « Degas à l’Opéra », du 24 septembre 2019 au 19 janvier 2020. En partenariat avec BRIDGEMAN IMAGES/LES BONS CLIENTS/OPÉRA NATIONAL DE PARIS |