ARTE MAG N°41. LE PROGRAMME DU 5 AU 11 OCTOBRE 2019 6 Dans Mytho, une série entre comédie subversive et drame familial, une mère et épouse dévouée cède à la tentation d’un terrible mensonge pour retrouver l’attention des siens. Entretien avec ses créateurs, la romancière et scénariste Anne Berest (Gabriële) et le réalisateur Fabrice Gobert (Les revenants). La malade imaginaire PAULINE BALLET Anne Berest et Fabrice Gobert Mytho traite à la fois de la famille et du mensonge. Lequel de ces thèmes s’est imposé en premier ? Anne Berest : L’un ne va pas sans l’autre. La famille est le premier lieu du mensonge, où chacun apprend à mentir – dès l’adolescence. C’est d’ailleurs salutaire. On deviendrait fou autrement. Le point de départ de la série est autobiographique. Ma mère a eu un cancer du sein. Pendant sa maladie, j’ai vu que je changeais d’attitude. J’étais plus présente que par le passé. Alors je me suis regardée et je me suis trouvée dégueulasse : il fallait que ma mère soit malade pour que je sois plus attentive à elle. Le point de départ de Mytho était né. Par le biais du mensonge, le romanesque s’introduit dans la chronique familiale… A. B. : Au départ, la série raconte l’histoire d’une mère, Elvira, qui veut simplement réunir sa famille autour de la table du dîner. On ne peut pas faire plus quotidien ! Tout l’enjeu était de donner corps à cette aspiration ordinaire. Fabrice Gobert : Elvira est rapidement dépassée par le mensonge monstrueux qu’elle a créé – s’inventer un cancer. Prise dans un engrenage, et le spectateur avec, elle est constamment mise en difficulté par une situation qui ne cesse d’empirer. On se demande sans arrêt comment elle va s’en sortir. Mais elle n’est pas la seule à mentir, loin de là. A. B. : Qui n’a jamais menti pour retenir l’attention ? Quelle mère de famille n’a pas rêvé d’une bonne maladie pour pouvoir se reposer dix jours ? Nous avons tous éprouvé la tentation du mensonge. Par ailleurs, je voulais créer un personnage dans lequel le bien et le mal se mêlent de façon si étroite qu’il échappe au jugement moral. F. G. : Dire à ses proches qu’on a un cancer alors que c’est faux, c’est un mensonge particulièrement transgressif, surtout quand on a une fille de 10 ans ! Mais il fallait qu’on sente qu’Elvira ment d’abord pour ne pas s’écrouler. Elle est devenue le personnage secondaire de sa vie et elle veut ainsi retrouver le premier rôle. Comment avez-vous élaboré le style visuel de la série ? F. G. : Avec Anne, nous avons en commun un imaginaire lié à ces quartiers pavillonnaires où nous avons tous les deux grandi. Je lui ai parlé des tableaux saturés de couleurs de David Hockney, et des photos du Canadien Jeff Wall ou du Belge Harry Gruyaert qui mettent en scène des décors urbains a priori ordinaires, presque banals, mais que le travail UNITE DE PRODUCTION/ARTE FRANCE |