ARTE MAG N°26. LE PROGRAMME DU 22 AU 28 JUIN 2019 8 La mémoire revisitée Dans Visages villages, la cinéaste Agnès Varda et le photographe JR sillonnent la France rurale à la rencontre de ses habitants. Un voyage poétique et philosophique à travers la mémoire intime et collective. Gros plans. 1. Cher disparu En Normandie, les souvenirs de JR et d’Agnès Varda s’enchevêtrent à Saint-Aubin-sur-Mer, réputé pour son immense blockhaus tombé de la falaise. Éternel baroudeur, le street artist y était passé à moto, des années auparavant. La cinéaste y avait photographié en 1954 son complice de toujours, Guy Bourdin, futur photographe de mode, posant contre une cabine de plage. Soixante ans plus tard, le cliché s’offre une nouvelle jeunesse grâce à l’œil malicieux de JR. L’image de l’ami disparu, auquel Varda voulait rendre hommage, est agrandie et apposée sur le bunker gris. Le voilà, comme un enfant, lové dans un berceau. « Je ne pouvais pas rêver mieux pour Guy », se réjouit la réalisatrice. 2. Le dernier souffle du coron « On ne me mettra pas dehors. Il y a trop de souvenirs. » Fille et femme de mineur, Jeanine est la dernière habitante d’un coron de Bruayla-Buissière (Pas-de-Calais) condamné à être détruit. Depuis que la dernière mine du bassin a fermé, à la fin des années 1980, la mémoire de l’exploitation charbonnière, qui a modelé toute la région, est en déshérence. De cette époque révolue, Agnès Varda conservait une collection de cartes postales jaunies, et JR, Festival du documentaire 2019 l’image de deux terrils grisâtres « en forme de seins ». Avec eux, Jeanine évoque une génération de « galibots » (apprentis) au dos meurtri et à la gueule noire, et se revoit savourer le « pain d’alouette » de son père, une large tartine beurrée qu’il emportait chaque jour au fond. Pour retenir un peu cette histoire en voie de disparition, JR immortalise le visage de la combattante sur la façade de sa maison, et superpose les photographies d’anciens mineurs, en pied, sur des murs de briques voisins. 3. Les cornes de la discorde Dans le Vaucluse, les deux compères, ayant croisé un étrange troupeau de chèvres, découvrent que le productivisme peut se nicher au bout d’une corne caprine. Car désormais, on brûle ces appendices à la naissance pour empêcher que les bêtes ne se battent et diminuent ainsi le rendement de l’élevage. « Elles se battent ? Les êtres humains se battent aussi ! », proteste Patricia, ultime chevrière de la région à refuser de mutiler son cheptel. Affiché sur l’extérieur de sa grange, ce portrait géant d’une chèvre cornue sonne comme une ode joyeuse à la résistance. Clara Le Quellec Mercredi 26 juin à 20.55 Documentaire Visages villages Lire page 19 En replay jusqu’au 2 juillet 1 2 3 AGNES VARDA/JR/CINE TAMARIS/SOCIAL ANIMALS |