ARTE MAG N°25. LE PROGRAMME DU 15 AU 21 JUIN 2019 8 Que sait-on des soupçons de viols qui pèsent sur les soldats français de la force Sangaris ? Marie Grimaud : L’opération française a été déployée fin 2013 avec plus de 400 militaires, en appui de la Minusca (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine). Elle devait notamment limiter les risques de massacres. À l’été 2014, après la divulgation d’un rapport de l’ONU regroupant des témoignages d’enfants se disant victimes d’abus sexuels commis par des soldats français de Sangaris, une enquête préliminaire a été ouverte. L’association internationale Innocence en danger, que je représente, a recensé 41 victimes possibles. Malgré des preuves concordantes, aucun militaire n’a été mis en examen et le parquet de Paris a requis un non-lieu. Les parties civiles ont fait appel fin 2016. Où en est la procédure ? Après deux ans d’attente – alors que le délai est généralement de six mois –, une audience s’est tenue en janvier devant la Une enquête accablante recense des centaines de viols impunis commis sous la bannière de l’ONU. Avocate d’une partie civile dans la procédure contre des soldats de l’opération Sangaris, en Centrafrique, Marie Grimaud dénonce dans ce film l'inaction de la justice. Impunité à l’ONU chambre de l’instruction de la cour d'appel de Paris. Mais le délibéré n’aura lieu que dans un an. Cette lenteur extraordinaire démontre une volonté délibérée d’étouffer le dossier. On peut parler d’un déni de justice. Malgré nos demandes, aucune investigation n’a par exemple été réalisée pour savoir qui étaient les militaires mis en cause. Les enfants ont pourtant fourni de nombreux détails, comme des surnoms ou des tatouages. On nous a répondu que le croisement de ces éléments avec l’identité des militaires n’était pas utile à l’enquête ! Grâce à ces indices, notre association, elle, a pourtant identifié cinq soldats. Comment expliquer que les abus sexuels perdurent en dépit de la tolérance zéro affichée par les Nations unies ? L’ONU n’a pas le pouvoir de juger. Elle peut seulement transmettre des signalements aux États membres, qui décident ou non de poursuites. Dans le cas de Sangaris, aucune réponse pénale n’a été apportée car l’enquête a notamment été confiée à un corps militaire, la gendarmerie prévôtale, forcément enclin à protéger l’image de l’armée et de ses membres. Des soldats français en Côte d’Ivoire ont bien été condamnés pour des faits similaires, mais qui relevaient de leur temps civil. Et en l’absence de sanction, le schéma se répète. Pour y remédier, il faudrait mettre en place une équipe onusienne indépendante qui transmette les informations aux juges d’instruction des différents pays. La Minusca réfléchit également à la création d’une cour martiale ad hoc. Tout crime ou délit serait ainsi jugé par la communauté onusienne, à partir du moment où les prévenus travaillent pour elle au moment des faits. Propos recueillis par Hélène Porret Mardi 18 juin à 23.10 Documentaire ONU, le scandale des abus sexuels Lire page 19 En replay jusqu’au 15 septembre RAMITA NAVAI/RONACHAN FILMS |