ARTE MAG N°16. LE PROGRAMME DU 13 AU 19 AVRIL 2019 8 Dans Delphine et Carole, insoumuses, Callisto McNulty retrace le combat féministe et l’irrévérence joyeuse de deux amies : sa grand-mère Carole Roussopoulos, pionnière de la vidéo, et Delphine Seyrig. Entretien. Mercredi 17 avril à 22.25 Documentaire Delphine et Carole, insoumuses Précédé du film Peau d'âne Lire pages 20-21 En replay jusqu’au 15 juin Callisto McNulty Féministes enchantées Comment est né ce documentaire que l’on pourrait qualifier de « film de famille » ? Callisto McNulty : Ce film est né d’un projet que Carole, ma grandmère dont j’étais très proche, avait initié un an avant son décès, en 2009, sur le combat féministe de son amie Delphine Seyrig. Avec ses enfants, Alexandra et Géronimo Roussopoulos, coauteurs avec moi, il nous a semblé évident d’y intégrer sa voix pour retracer leur amitié et leur engagement dans les années 1970. Que vouliez-vous raconter à travers ces deux femmes artistes ? Nous avions envie de partager leur vision de l’engagement féministe, leur énergie créative, contagieuse. À travers leur portrait, nous voulions aussi réhabiliter l’image des féministes, souvent présentées comme rabat-joie et austères. Toutes les deux avaient une approche pas du tout dogmatique ou moralisatrice, mais au contraire pleine d’humour et d’irrévérence. Cette période, dite du « féminisme enchanté », s’est caractérisée par une forme de radicalité joyeuse, avec des actions et des slogans maniant le second degré. Leur engagement s’inscrivait dans les plaisirs de la vie : elles n’avaient pas peur d’essayer. Pourquoi ont-elles utilisé la vidéo et le cinéma ? Avec ces outils, elles ont défendu la nécessité pour les femmes de se réapproprier leur propre image, à une époque où la télévision et le cinéma étaient dominés par les hommes. En tant que comédienne féministe, Delphine Seyrig a soutenu des films de réalisatrices, de Chantal Akerman à Marguerite Duras. En s’emparant de la vidéo, un média économiquement abordable, elles ont pu donner la parole à des femmes que l’on n’entendait pas, des prostituées de Lyon aux ouvrières de Lip. Toutes deux avaient une forte conscience politique et la conviction d’une sororité dépassant les barrières de classe. Quelles sont les résonances avec les combats féministes actuels ? On a tendance à croire que les avancées se font de façon progressive, mais les évolutions sociétales s’obtiennent en menant des combats. Nombre de luttes féministes restent d’actualité, qu’il s’agisse des normes façonnant les représentations des femmes à l’écran, des relations de pouvoir dans la sphère publique, du travail domestique ou encore des questions de sexualité et des droits des travailleuses du sexe. On a toujours besoin d’espaces d’expression, individuels ou collectifs, et l’utilisation de la vidéo dans les années 1970 fait écho à celle des réseaux sociaux aujourd’hui, comme en témoigne le mouvement #MeToo. Propos recueillis par Laetitia Moller LES FILMS DE LA BUTTE |