ARTE MAG N°49. LE PROGRAMME DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2018 8 Le vol du dragon Des contes aux jeux vidéo en passant par le cinéma, les dragons, créatures légendaires aux forces obscures, n’ont cessé de nourrir l’imaginaire. Petite histoire des exploits accomplis pour les représenter. Dimanche 2 décembre à 19.15 Série documentaire Dragons ! La genèse de Smaug Lire page 13 Si l’on a cru, à tort, que l’imaginaire occidental du XX e siècle avait peu à peu relégué le dragon au musée des vestiges médiévaux, la culture populaire n’a pourtant jamais cessé de l’invoquer par l’écrit, le dessin, le cinéma, se heurtant plus tard à certaines limites technologiques. L’effroyable machinerie crachant fumées et flammes, actionnée par une quinzaine de membres de l’équipe de Fritz Lang sur le plateau des Nibelungen en 1924, a ainsi échoué à transcrire la vision fantastique qu’en espérait le cinéaste. De même, la très belle animation, image par image, de Ray Harryhausen sur Le 7 e voyage de Sinbad (1958) rendait toute interaction impossible avec les comédiens. Quant aux varans de Komodo, hâtivement grimés en dinosaures pour le tournage de Voyage au centre de la Terre (1959), ils peinaient à faire illusion quand, la même année, le magnifique dragon de Disney éblouissait dans le final de La belle au bois dormant. Mais il faut attendre la sortie du Dragon du lac de feu, en 1981 (photo), pour que la créature mythique crève vraiment les écrans. Conçu par Dennis Muren, Phil Tippett et les génies des studios ILM de George Lucas, Vermithrax Pejorative, puisque tel est son nom, est animé par un système simulant le flou du mouvement, qui donne à ses déplacements et à son vol la majesté et la puissance requises. Produit par Disney, mais trop noir et violent pour un public familial, le film est un échec. Pourtant, Vermithrax y survivra, le studio reprenant son design dans Le règne du feu en 2002. TRÉFONDS DE LA PSYCHÉ Dix ans plus tard, ses créateurs révolutionneront les effets spéciaux avec Jurassic Park et son T-Rex, ouvrant enfin la voie à des dragons « réalistes » qui, de Cœur de dragon (1996) à La désolation de Smaug (2013) en passant par Game of Thrones, rappellent combien cet archétype essentiel est plébiscité. Symbolisant à la fois les forces naturelles et la pulsion de vie, le dragon incarne cette puissance extraordinaire qui dort dans les tréfonds de la psyché. Il s’agit, selon les cultures, de l’affronter ou de le rallier, pour libérer ce trésor (le nôtre) sur lequel il veille jalousement. De Neltharion, le gardien de la Terre du jeu World of Warcraft, à Akatosh ou Paarthurnax, gardiens du temps dans Skyrim, consoles et PC ont su raviver la divinité de ces créatures, nous invitant tout à la fois à les combattre, à leur parler et à nous en faire des amis. Ainsi, plus encore que le cinéma, le jeu vidéo a véritablement (re) mis en scène l’ambivalence de ces récits millénaires et de la quête intérieure qu’ils portent. Rafik Djoumi La suite en trois volets de cette série documentaire est diffusée les 9 et 16 décembre. THE KOBAL COLLECTION/AURIMAGES |