ARTE MAG N°42. LE PROGRAMME DU 13 AU 19 OCTOBRE 2018 6 Alors qu’ARTE consacre un cycle aux peintres, le réjouissant documentaire Miró – Le feu intérieur plonge dans l’œuvre foisonnante de l’artiste catalan à l’occasion d’une rétrospective au Grand Palais *. Entretien avec son petit-fils, Joan Punyet Miró, administrateur de son legs. « Un génie de l’inconnu » GABRIEL RAMON Joan Punyet Miró Quelle image gardez-vous de votre grand-père ? Joan Punyet Miró : C’était un homme inquiet, très préoccupé à l’époque où je l’ai connu – l’agonie du franquisme – par l’avenir de l’Espagne. En même temps, attaché à sa famille et proche de mes frères et moi, il parlait et jouait beaucoup avec nous. On se retrouvait ensemble le dimanche, autour de la paella. En revanche, nous, les enfants, n’avions pas le droit de pénétrer dans son atelier, qui demeurait pour moi un mystère. Jusqu’au jour où, grâce à ma grand-mère, nous avons enfin réussi à y entrer. J’avais 10 ans et cela fut une découverte magique, avec ces centaines de tableaux et dessins… Je me souviens de l’odeur de la térébenthine, de la gouache et de l’huile. Sans oublier la lumière de la Méditerranée qui baignait tout l’espace. Quels rapports entretenait-il avec son pays, l’Espagne ? Complexes. Mon grand-père a vécu le coup d’État contre la République qui allait entraîner la guerre civile. À partir de 1936, il s’est exilé en France, avant de retourner en Espagne en 1940, ce qui lui a été injustement reproché. Pourquoi cet homme de gauche, avec son prestige, s’installait-il dans un État fasciste ? D’abord pour être auprès de sa mère, mais aussi parce qu’il se voulait « brigadiste culturel » dans son pays, que tous les intellectuels avaient déserté. Farouche opposant au franquisme, il s’est caché à Majorque, l’île de ma grand-mère, Pilar. S’il n’a pas été exécuté, c’est sans doute parce que le régime avait retenu la leçon de son erreur avec le poète Federico García Lorca. En 1968, lors de sa première exposition à Barcelone, il a refusé d’assister au vernissage, parce que Manuel Fraga, le ministre du Tourisme, y était annoncé. Quel rôle a joué Picasso, qu’il rencontre à Paris, dans son parcours artistique ? Un rôle capital. Mentor absolu, Picasso, qui avait onze ans de plus, a beaucoup aidé mon grand-père, qui lui en a été reconnaissant toute sa vie. C’est BRIDGEMANIMAGES.COM |