ARTE MAG N°35. LE PROGRAMME DU 25 AU 31 AOÛT 2018 8 Coup de projecteur sur l’incroyable destinée posthume de l’œuvre photographique d’une inconnue, devenue célèbre grâce au brillant documentaire des réalisateurs Charlie Siskel et John Maloof, acclamé à la Berlinale en 2014. L’énigme Vivian Maier Dimanche 26 août à 23.35 Documentaire À la recherche de Vivian Maier Lire page 14 Lorsque John Maloof, jeune agent immobilier reconverti en historien de la ville de Chicago, achète en 2007 lors d’une vente aux enchères un lot de plusieurs boîtes de négatifs, il n’a aucune idée de l’ampleur de la découverte artistique qu’il vient de faire. Ces clichés d’hommes, de femmes et d’enfants saisis dans des univers urbains révèlent un sens du cadrage digne des plus grands noms de la street photography, comme Helen Levitt, Lisette Model ou Robert Frank. Ils ont été réalisés par une inconnue du nom de Vivian Maier, qui exerça pendant plus de trente ans le métier de nounou, de New York à Chicago, avant de mourir en 2009 dans la précarité, à l’âge de 83 ans. On ne lui connaît ni famille ni amis. John Maloof se lance alors dans d’ambitieuses recherches sur cette femme-mystère, auquel il a consacré, avec Charlie Siskel, en 2014, un passionnant documentaire plébiscité à la Berlinale et couvert de récompenses. Maloof acquiert d’innombrables clichés et pellicules couleur ou noir et blanc non développées, qui constituent aujourd’hui le Fonds Maloof, associé avec la galerie new-yorkaise Howard-Greenberg afin de financer le développement de nouveaux tirages, après le refus du MoMA. Car si collectionneurs et galeristes s’arrachent aujourd’hui les photographies de Vivian Maier, qui se vendent entre 1000 et 10 000 euros, les institutions publiques se montrent réticentes face à une œuvre qui ne comprend quasiment pas de tirages d’époque et dans laquelle l’artiste n’a pas effectué de tri. DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE Déterminé à valoriser le travail de Vivian Maier, John Maloof a créé une bourse d’études à son nom et publié trois livres sur le sujet. En 2017, un quatrième ouvrage, une biographie signée AnnMarks, éclaire l’enfance chaotique de la nounou-photographe. Née à New York d’un père autrichien, alcoolique et absent, dotée d’un frère schizophrène et criminel, elle grandit ballotée auprès d’une mère française, originaire de la vallée du Champsaur dans les Hautes-Alpes, où mère et fille iront vivre entre 1932 et 1938. En France, l’association « Vivian Maier et le Champsaur » contribue depuis 2011 à la reconnaissance posthume de la photographe dans l’Hexagone, proposant des circuits autour des lieux immortalisés par la petite-cousine d’Amérique dans les années 1950. Les scènes de rue ou les autoportraits malicieux de la Mary Poppins au Rolleiflex attirent un public croissant lors d’expositions qui se multiplient de par le monde, faisant grimper la cote de l’artiste. Les héritiers se bousculent, tels que Francis Baille, retraité de Gap, auteur d’une action en justice en 2014 à Chicago pour faire reconnaître ses droits sur cet héritage miraculeux. Des recherches généalogiques poussées dénombraient en juin 2018 pas moins de dix donataires potentiels. Ironique postérité que celle des photographies prises par cette femme solitaire, qui n’aura pas cherché de son vivant à faire connaître la valeur de son regard, pourtant aussi singulier que celui de sa contemporaine Diane Arbus. Marie Gérard VIVIAN MAIER COLLECTION JOHN MALOOF COURTESY HOWARD GREENBERG GALLERY, NEW YORK/ |