ARTE MAG N°21. LE PROGRAMME DU 19 AU 25 MAI 2018 8 68, année sismique Don Kent Mai 68 Samedi 28 avril et samedi 19 mai Mai 68 par Karambolage à 20.35 Mardi 22 mai Les années 68 (1 & 2) à 20.50 Rebelles ou apolitiques ? – Les petits-enfants de Mai 1968 à 23.55 Vincennes, l’université perdue à 0.50 Jeudi 24 mai Une jeunesse allemande à 23.55 Vendredi 25 mai 1968 en super-8 (1-3) à 23.05 Comment éviter la répétition sur un sujet aussi souvent traité que Mai 68 et son héritage ? Don Kent : J’ai voulu l’aborder d’un point de vue global, car en France, la perception du phénomène reste souvent limitée aux échauffourées parisiennes et aux deux mois de grève générale. Or c’est le monde entier qui vacille à l’époque, et sur une période beaucoup plus longue. J’ai beaucoup appris en visionnant les archives internationales : sur le mouvement tropicaliste qui défie la dictature au Brésil, sur la violence de certaines manifestations de paysans au Japon, que je rapproche dans le film de la lutte du Larzac, ou encore sur l’instauration de dictatures en Afrique… Comment avez-vous choisi les nombreux protagonistes de votre documentaire ? Je ne voulais pas d’un énième film d’experts ou d’historiens, et encore moins d’un rassemblement d’anciens combattants, où seuls des vieux comme moi auraient pris la parole ! J’ai choisi des profils variés : écrivains, artistes, philosophes, sans évidemment exclure pour autant les historiens et les acteurs directs. Je tenais aussi à mettre en évidence l’héritage de 68, que l’on retrouve par exemple chez cette jeune porte-parole de Greenpeace en Allemagne, Susanne Neubronner, dans les romans de l’écrivain américain d’origine vietnamienne Viet Thanh Nguyen, ou encore dans le combat au Canada de Janaya Khan, du mouvement Black Lives Matter. Dans Les années 68, le réalisateur Don Kent fait revivre avec de nombreux et passionnants témoins la vague de contestation qui a secoué le monde entre 1965 et 1969, avant de refluer. Entretien. Quel est le bilan politique de 68, selon vous ? J’étais déjà exaspéré par cette tendance à ressasser la référence au mouvement, par exemple en le rendant responsable de tous les maux de notre société. Mais c’est plutôt anecdotique, au fond. Je suis assez d’accord avec le résumé de Régis Debray : 68 a servi la liberté individuelle mais a raté son but sur le plan collectif. Cinquante ans après, cette déroute de l’intérêt général se traduit par la montée du populisme et le recul de la démocratie. Mais il ne faut pas nier l’importance des victoires sociétales du mouvement : on ne peut plus imaginer, par exemple, le bâillonnement de la parole étudiante que décrit dans le film la dramaturge Hélène Cixous. Et vous-même, cette année vous a-t-elle changé ? Je suis venu d’Angleterre en France pour faire l’Idhec (Institut des hautes études cinématographiques) en 1967. Le fait d’avoir vécu ce mouvement à Paris a vraiment éveillé ma conscience politique. En Angleterre, où la jeunesse était beaucoup moins politisée, les revendications se focalisaient sur le mode de vie. En France, même si elle a échoué, il existait une réelle volonté de changer la société. Propos recueillis par Maria Angelo |