ARTE MAG N°18. LE PROGRAMME DU 28 AVRIL AU 4 MAI 2018 6 Ambitieuse et passionnante série documentaire, Les routes de l’esclavage retrace l’histoire des traites négrières du VII e au XIX e siècle, entre domination, violence et profit. Entretien avec la coréalisatrice Fanny Glissant. L’esclavage, une histoire commune CLOTHILDE REDON POUR PARIS MATCH Fanny Glissant Mardi 1er mai à 20.50 Série documentaire Les routes de l’esclavage Lire page 18 Comment appréhende-t-on un phénomène d’une telle ampleur ? Fanny Glissant : Après Juifs et musulmans – Si loin si proches, nous avions l’ambition d’une autre série qui embrasserait une histoire immense, géographiquement, démographiquement et économiquement. Celle de l’esclavage s’est imposée comme une évidence. De façon plus conjoncturelle, après la loi Taubira de 2001 [la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, NDLR], de nouveaux historiens ont travaillé avec passion sur ce sujet et croisé leurs recherches avec leurs pairs au Brésil, en Afrique, aux États-Unis ou au Royaume-Uni, ce qui a permis de décentrer le regard et d’appréhender une histoire globale, un phénomène mondial. S’appuyant sur les plus brillants d’entre eux, ce film, tourné dans huit pays, se veut une synthèse de cette somme. Chacun des quatre épisodes traite d’une question : l’esclave, le commerce, la violence, la race. Comment définiriez-vous l’esclavage ? C’est la négation de l’autre et de son humanité, afin de pouvoir le construire comme outil et l’instrumentaliser pour utiliser sa seule force de travail. Cela explique aussi en partie pourquoi il a fallu si longtemps pour raconter ce phénomène comme une histoire universelle, celle, dans la douleur, de la mondialisation de la violence et de la déportation de 25 millions de personnes. J’espère qu’en voyant ce film on comprendra qu’il s’agit d’une histoire commune. J’aimerais que chacun se sente à la fois descendant d’esclaves et de propriétaires d’esclaves. La série n’aborde pas l’esclavage au travers du prisme des droits de l’homme, mais de celui de la géographie et de l’économie. Pourquoi ce choix ? Nous nous savions à un moment charnière. D’un côté, la posture victimaire avait produit nombre d’œuvres et un certain discours, de l’autre, celle de la culpabilisation ne nous paraissait pas pertinente, tant elle empêche de voir les seuls faits, sur lesquels nous voulions porter notre investigation historique : où, pourquoi, comment cette demande de maind’œuvre est-elle apparue ? Embrasser la complexité du phénomène exige de se dégager de conceptions morales. Si la domination est aussi vieille que le monde, comment l’Afrique s’est-elle retrouvée au centre des routes de l’esclavage ? Ce piège qui se referme sur l’Afrique résulte d’un long processus. Depuis l’Antiquité, les grands empires se construisent par l’asservissement des OLIVIER PATTÉ/CPB FILMS/ CLOTHILDE REDON POUR PARIS MATCH |