ARTE MAG N°10. LE PROGRAMME DU 3 AU 9 MARS 2018 8 Louise Doughty Jeudi 8 mars à 20.55 Série Sous influence (1-4) Lire page 23 Quel a été l’élément déclencheur pour écrire cette histoire ? Louise Doughty : Mon envie de parler de la justice et du traitement inégal que les tribunaux britanniques réservent aux femmes : je voulais montrer combien, au fond, celles-ci, contrairement aux hommes, restent jugées sur leur moralité (ou leur supposée immoralité) sexuelle. Ce que raconte la série, de manière très fidèle au livre, c’est la manière dont une femme ayant été toute sa vie extrêmement conventionnelle se laisse happer par une pulsion et va le payer très cher. On peut interpréter cette punition dans un sens fort peu féministe… Ce n’est pas moi qui punis Yvonne, c’est le regard impitoyable qu’on continue de poser sur la vie sexuelle des femmes. Donc je revendique sans hésitation d’avoir écrit un roman féministe, et son adaptation l’est tout autant. En revanche, ce qui est vrai, c’est que le récit laisse planer l’ambiguïté sur l’héroïne et ses motivations. D’abord parce que cette ambiguïté ménage jusqu’au bout le suspense, mais surtout parce qu’elle renvoie les lecteurs, et les spectateurs, à leurs propres préjugés. Pourquoi estime-t-on si facilement qu’elle est en faute ? Peut-être aussi parce que, bien que narratrice, Yvonne ne dit pas toute la vérité ? Peut-on dire pour autant qu’elle ment ? L’une des choses qui me touchent, chez elle, c’est sa capacité, si humaine, à se tromper elle-même : notamment le romantisme dont elle pare une liaison qui en est pourtant clairement dépourvue, parce qu’elle a besoin de croire que c’est ce qui l’attire chez son amant. Fidèlement porté à l’écran avec Emily Watson dans le rôle principal, le roman de Louise Doughty Portrait d’une femme sous influence * relate avec maestria la débâcle intérieure d’une épouse modèle tombée sous l’emprise d’un inconnu. Entretien avec l’écrivaine anglaise. Identification d’une femme L’interprétation d’Emily Watson a-t-elle changé la représentation que vous aviez du personnage ? À vrai dire, même physiquement, c’est comme cela que j’imaginais Yvonne : une femme à la fois jolie et pas très sûre de sa propre séduction, qui ne cherche pas à cacher son âge, et à qui beaucoup d’entre nous peuvent s’identifier. Elle est absolument parfaite dans le rôle. Le mouvement #MeToo confère à l’histoire d’Yvonne une actualité brûlante… Malheureusement, elle était déjà d’actualité avant. Mais ce mouvement oblige l’ensemble de la société à regarder en face ce qui relevait de l’évidence pour les femmes : la violence sexuelle exercée par les hommes reste dans l’ordre des choses. On verra si le fait que ces agressions soient désormais rendues publiques peut changer la donne. Propos recueillis par Irène Berelowitch * Éditions Belfond. Publié en 2014 au Royaume-Uni, le roman y est un best-seller. GETTY - FRANÇOIS BERTHIER/DR |