ARTE MAG N°10. LE PROGRAMME DU 3 AU 9 MARS 2018 6 ni...7\-1. Auteures d’un documentaire édifiant sur les réseaux antiavortement en Europe, Alexandra Jousset et Andrea Rawlins-Gaston révèlent l’ampleur d’une offensive qui remet en cause la liberté des femmes à disposer de leur corps. Entretien. La nouvelle offensive contre l’avortement Alexandra Jousset Mardi 6 mars à 20.50 Andrea Rawlins- Gaston Documentaire Avortement, les croisés contre-attaquent Lire page 18 Le droit à l’avortement vous semble-t-il menacé en Europe ? Andrea Rawlins-Gaston : Il ne faut en tout cas absolument pas considérer ce droit comme acquis, ni sousestimer la menace qui l’entoure. En Europe de l’Est ou en Italie, il a déjà reculé. Au Portugal, en 2015, les conservateurs au pouvoir ont réussi à durcir la loi, avant que le gouvernement suivant ne revienne dessus. Quant à l’Espagne, en 2014, il s’en est fallu de peu, avec le gouvernement Rajoy, pour qu’il soit restreint. Comme le disait déjà Simone de Beauvoir, la vigilance ne doit jamais faiblir pour le défendre. Alexandra Jousset : Dans nombre de pays européens, les conservateurs qui arrivent au pouvoir tendent à limiter l’accès au droit à l’avortement. En France, s’il a plutôt été renforcé sous le mandat Hollande, avec la suppression des entretiens psychologiques par exemple, l’offensive est menée sur le terrain culturel. Qui sont les nouveaux militants pro-life ? A. R.-G. : Communicants performants, ces activistes modernes, qui maîtrisent les réseaux sociaux, s’emploient à dépoussiérer et à dédiaboliser leur image. Subtile et sournoise, leur croisade se révèle d’une redoutable efficacité, tandis qu’en face le discours féministe semble avoir vieilli. Étrangement, nous avons eu moins de difficultés à rencontrer ces militants, lesquels assument pleinement leurs convictions, que leurs adversaires. A. J. : Loin des fous furieux qui s’enchaînaient dans les maternités, ces militants, jeunes et séduisants, excellent à retourner les armes de leurs adversaires. Avec un art consommé, ils recyclent la terminologie des droits humains – dignité, liberté... – et même du féminisme, en évitant de mettre en avant leurs convictions religieuses. Votre film lève le voile sur un mouvement structuré... A. J. : S’ils ne sont pas nombreux, ils se connaissent tous et ont compris l’intérêt de travailler ensemble au niveau européen. Au travers des réseaux qu’ils ont créés, ils échangent leurs contacts, leur sémantique et leurs savoir-faire, et mènent auprès de l’Union européenne un puissant lobbying. A. R.-G. : Au World Congress of Families qui clôt le film, nous avons retrouvé tous ceux que nous avions croisés au cours de notre enquête. Ils savent aussi lever une armée de citoyens sur ce qu’ils appellent « les questions de la vie » : la pétition « One of us » a recueilli par exemple près de deux millions de signatures. Si la stratégie des pro-life varie selon les pays, vous montrez une situation alarmante en Italie... A. R.-G. : Depuis des années, les gynécologues militants et les défenseurs des droits de l’homme alertent sur ce qui s’y passe. Si le droit à l’avortement est inscrit dans la loi en Italie, les gynécologues y ont été autorisés à se déclarer « objecteurs de conscience ». BBC/KUDOS/NICK BRIGGS/AUGUSTIN DÉTIENNE |