ARTE MAG N°4. LE PROGRAMME DU 20 AU 26 JANVIER 2018 8 Pour la minisérie réalisée par Olivier Abbou, le scénariste Aurélien Molas, auteur de romans policiers, a fait de la Guyane française l’inquiétant décor d’un thriller à l’atmosphère envoûtante. Entretien. Jeudi 25 janvier à 20.55 mua. zian. eexji 0 Mystères en Guyane Minisérie Maroni, les fantômes du fleuve Lire page 22 Où votre Maroni prend-il sa source ? Aurélien Molas : Les fantômes du delta, mon second roman, se déroulait au Nigeria. Aurélie Meimon et Noor Sadar, les producteurs, ont eu envie que je m’en inspire pour développer une histoire dont le cadre serait la Guyane française. Je me suis ensuite rendu sur place pour confronter mes fantasmes à la réalité. Le travail documentaire a considérablement fait bouger ce que j’avais imaginé. En fait, la Guyane n’a pas grand-chose à voir avec l’image qu’en donnent les médias. C’est un territoire multiculturel d’une grande richesse, une sorte d’enfer au soleil où la population est animée d’un espoir incroyable. Ce voyage a été pour moi un vrai choc spirituel et j’ai eu envie de témoigner de cette émotion. À cela s’est mêlée ma fascination pour Joseph Conrad. Je me suis mis à rêver d’une adaptation d’Au cœur des ténèbres, qui commencerait comme un polar et se transformerait en quête initiatique. L’intrigue commence en terrain connu, et nous emmène progressivement ailleurs… En tant que spectateur, j’aime être placé dans une situation de confort pour être ensuite emmené là où je ne m’attends pas, comme dans les séries True Detective ou The Killing. Là, j’avais envie que l’histoire épouse les méandres du fleuve, de partir d’une enquête avec un duo de flics que tout oppose pour conduire le public vers l’inconnu. Tous les bons 4.. polars reposent sur des archétypes, mais la question est : où nous conduisent ces archétypes ? Il s’agit toujours de montrer l’envers du décor. Comme le dit un des personnages de la série : « En Guyane, tout est affaire de frontière »... Est-ce pour cela que vous mélangez les genres : polar et fantastique, enquête et quête initiatique ? En Guyane, tout est mâtiné de croyances et de superstitions. Le plus déterminant a été ma découverte des Bushinengue, les Noirs marrons, des descendants d’esclaves qui ont fui les plantations du Suriname et se sont établis sur les rives du fleuve Maroni. Ils ont créé des communautés qui continuent de transmettre la culture et la spiritualité bushi, une forme d’animisme où la forêt tient une grande place. Cela a nourri mon intrigue, qui bascule progressivement dans une tonalité fantastique. S’il y a en France une tradition du cinéma fantastique, de Marcel Carné à Georges Franju en passant par Jacques Tourneur, j’ai le sentiment qu’elle s’est un peu perdue et qu’il est difficile d’y revenir. Le territoire guyanais, au travers du pont qu’il crée avec ces communautés, permettait de travailler ce « glissement de terrain », de réinsuffler ce goût du mystère et de l’émerveillement. Propos recueillis par Jonathan Lennuyeux-Comnène MADEMOISELLE FILMS |