ARTE MAG N°45. LE PROGRAMME DU 4 AU 10 NOVEMBRE 2017 8 Objet d’une soirée sur ARTE, le film Wall Street d’Oliver Stone, sorti en 1987, a fait émerger la figure du trader. Rivalisant avec les mafieux, ce héros maléfique du monde de l’argent échauffe l’imaginaire de nombreux cinéastes. La cote des traders au cinéma Dimanche 5 novembre à 20.55 Programmation spéciale Soirée « Wall Street » Lire pages 14-15 Autrefois, on les appelait agents de change. Mis à part Alain Delon, boursicoteur au charme ténébreux de L’éclipse d’Antonioni en 1962, le cinéma leur accordait le plus souvent des rôles de passemurailles aigris, s’enhardissant à de médiocres escroqueries. Mais en 1987, Oliver Stone fait, avec Wall Street, s’envoler le cours du trader. Alors que la finance, en pleine euphorie reaganienne, range le capitalisme industriel au rayon des affaires classées, Gordon Gekko, rôle qui vaudra un Oscar à Michael Douglas – coupe gominée, lignes de coke et appétit carnassier –, s’impose comme la nouvelle icône américaine. Scarface de la corbeille boursière à l’aube de l’ère numérique, amateur d’art et de champagne, ce pionnier inaugure une série de figures plus ou moins flamboyantes, naviguant au bord du gouffre, dans les sombres arcanes du monde de l’argent roi. VERTIGES BOURSIERS En 1999, Trader de James Dearden chronique la splendeur et la chute du Britannique Nick Leeson, qui conduisit à la banqueroute la Barings, la plus ancienne banque d’affaires d’Angleterre. Entre comédie et thriller, Les initiés de Ben Younger met en scène les arnaques d’une bande de golden boys fébriles et un peu benêts, quand le raider serial killer d’American Psycho (2000), adaptation par Mary Harron du roman culte de Bret Easton Ellis, dépèce, avec le même sadisme glacé, sociétés et individus. La vertigineuse dramaturgie de la crise de 2008 accentue la tendance, entre fascination et dénonciation. En 2011, Charles H. Ferguson remporte un Oscar pour son documentaire Inside Job, brillant décryptage du désastre, tandis qu’Oliver Stone récidive – et déçoit − avec Wall Street : l’argent ne dort jamais. Écho à la faillite de Lehman Brothers, Margin Call de J.C. Chandor, de son côté, conte l’affolement des marchés, contaminés par des actifs toxiques, dans un compte à rebours haletant précédant la crise des subprimes. Avant que Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio, en trader shooté magnifique et lubrique, ne raflent la mise en 2013 avec Le loup de Wall Street. Rafales et hémoglobine en moins, le genre emprunte ses codes au film de mafia − costards rayés, flots d’alcool, filles et fêtes dantesques. Mais face à ces jeunes requins de la finance aux victimes invisibles, les parrains d’hier ont pris un coup de vieux. Sylvie Dauvillier FOLAMOUR PRODUCTIONS |