ARTE MAG N°43. LE PROGRAMME DU 21 AU 27 OCTOBRE 2017 6 Guillaume Gallienne Un Stakhanov sur le divan En compagnie des comédiens du Français, Guillaume Gallienne joue et réalise pour ARTE une étourdissante recréation d’Oblomov, un classique de la littérature russe adapté au théâtre par Volodia Serre. Entretien. Mercredi 25 octobre à 23.30 Téléfilm Oblomov Lire page 21 Qu’est-ce qui vous a donné envie de réaliser ce film d’après l’adaptation pour le théâtre du roman de Gontcharov ? Guillaume Gallienne : Avec mes camarades du Français, j’ai joué pendant deux ans le rôle-titre une centaine de fois. Lorsque l’idée de ce film pour ARTE a germé, je me suis manifesté auprès d’Éric Ruf, notre administrateur, pour le réaliser. Un beau pari pour moi. Au-delà du plaisir du texte et du jeu, j’avais à cœur de donner vie à l’écran au petit théâtre mental, empli de classiques de la littérature et du cinéma russes, que je me faisais à chaque représentation. Je trouvais aussi très stimulant de capter dans un format cinéma – le Scope, idéal pour filmer l’horizontalité – une troupe jouant une pièce pour la télévision et d’abolir ainsi les frontières entre ces trois médiums. Avec quelles contraintes avez-vous dû composer ? Le cahier des charges fixé par ARTE et la Comédie- Française est strict. Avec Frédérique Moreau, qui m’a assisté sur ce projet, la première de nos difficultés a été d’amputer le texte d’une heure environ, car le film ne devait pas dépasser une heure cinquante minutes. Pour tenir le budget et les quatorze jours de tournage alloués, nous avons dû aussi trouver un décor unique, cette surprenante salle de spectacle de l’ambassade de Roumanie à Paris, où le temps semble s’être arrêté. Nous devions aussi réunir la même distribution que celle de la pièce, mais là, c’était plutôt synonyme de confort pour l’équipe technique. Quelle proximité particulière ressentez-vous avec Oblomov, cet antihéros que vous incarnez ? Dans son roman, Gontcharov met en perspective, entre autres, deux courants de pensée qui traversent la société russe depuis le milieu du XIX e siècle : doit-on se contenter de ce que Dieu nous donne, comme le met en pratique Oblomov, alangui sur sa méridienne ? Ou entrer dans la modernité par l’occidentalisation et le travail, comme le défend son ami Stolz ? De foi orthodoxe, d’origine russe par ma mère et ma grand-mère, qui était géorgienne, je connais parfaitement « l’oblomovisme », le mal qui étreint Oblomov, cet état de flottement teinté de mélancolie où tout paraît insurmontable. Si, comme Stolz, j’ai l’énergie d’en faire beaucoup, c’est sans doute pour lutter contre cet oblomovisme latent qui coule dans mes veines et auquel il m’arrive de succomber. Propos recueillis par Christine Guillemeau Maryline, le nouveau film réalisé par Guillaume Gallienne, sort en salles le 15 novembre. Adeline d’Hermy, Olga dans Oblomov, y tient le rôle principal. THIERRY VALLETOUX |