ARTE MAG N°27. LE PROGRAMME DU 1 ER AU 7 JUILLET 2017 6 Vendredi 7 juillet à 20.50 Série documentaire O. J. Simpson : Made in America (1 & 2) Lire pages 24-25 «Une parabole américaine» C’est une pauvre vidéo telle qu’en produisent les caméras de surveillance : dans une prison du Nevada, un détenu vaguement familier détaille avec humilité son quotidien devant l’administration pénitentiaire. Puis une remarque fait chavirer ses yeux, son souffle : «En 1994, quand vous avez été arrêté pour la première fois, vous aviez 46 ans je crois...» Ainsi débute O. J. Simpson : Made in America, éblouissante série documentaire de près de huit heures qui, cette année, a décroché l’Oscar en accomplissant un tour de force : raconter une histoire universelle, et inédite, sur l’un des faits divers les plus médiatisés du XX e siècle. Car dès la première séquence auront surgi d’autres images, inscrites de façon indélébile dans la mémoire collective américaine. Oscar 2017 du meilleur documentaire et monumentale saga de près de huit heures, O. J. Simpson : Made in America explore l’envers du rêve américain à travers le destin de la star déchue. DÉMONS ET MERVEILLES Comme des millions de ses contemporains, le réalisateur de 42 ans, Ezra Edelman, a adoré quand il était petit «O. J.», ce coureur hors pair qui avait transformé le footballaméricain et semblait pouvoir «transcender toutes les frontières imaginables». Mais quand, une décennie plus tard, il a célébré l’acquittement de la star pour un double meurtre, dont celui de son ex-épouse, c’est principalement parce que l’étudiant métis se définissait d’abord comme un Afro-Américain. «Pourquoi O. J. Simpson, qui fut aimé par des millions d’Américains blancs et noirs, est-il désormais la figure la plus clivante de notre culture ? », interroge-t-il. «Le héros américain est devenu une parabole américaine – à ceci près que personne ne s’accorde sur la morale de l’histoire. Je ne me suis pas tant intéressé à la question de sa culpabilité qu’à la raison pour laquelle, plus largement, il est devenu un symbole si écrasant de tant d’autres questions cruciales : la race, la classe, la célébrité, les médias, la violence domestique, entre autres...» Croisant la masse phénoménale des archives «O. J.» (des premières retransmissions de ses matchs aux enregistrements de la police et du procès) et les témoignages de dizaines de personnes (amis d’enfance, anciens coéquipiers et voisins, journalistes, policiers, procureurs, avocats...), il fait revivre pas à pas la tragédie d’un homme rattrapé par ses démons, et à travers elle, dresse un portrait puissamment actuel des divisions de son pays, à commencer par la question raciale. Polyphonique et multidimensionnelle, portée par un méticuleux souci du détail, sa saga en cinq épisodes démontre un talent rare pour faire parler les images et les gens – un art de la mise en scène presque vertigineux, pour un récit qui met aussi en lumière l’emprise du spectacle sur les consciences collectives. Irène Berelowitch |