ARTE MAG N°26. LE PROGRAMME DU 24 AU 30 JUIN 2017 6 Après un premier film sur les déserteurs de Daech, Thomas Dandois cosigne, toujours avec François-Xavier Tregan, un documentaire sur un phénomène récent et inquiétant : les enfants enrôlés par l’État islamique. Entretien. Les enfants perdus de Daech Mardi 27 juin à 21.50 Documentaire Ashbal Les lionceaux du califat Lire page 19 Thomas Dandois A-t-il été difficile de convaincre ces enfants et adolescents de témoigner ? Thomas Dandois : Ils ont tous peur, à la fois de la réaction des pays dans lesquels ils sont installés, mais aussi des représailles de Daech qui dispose de cellules partout. Notre obstination a fini par les convaincre, ainsi que l’argument suivant : s’ils ne parlent pas, on ne sait pas et rien ne change. Quel éclairage ces jeunes donnent-ils sur l’État islamique ? Cerné de toutes parts, ce régime sait qu’il va s’effondrer. En enrôlant ces enfants en Syrie mais aussi à l’étranger, Daech prépare l’avenir. Sa stratégie est claire : construire la génération d’après, celle qui prendra le relais après sa chute. L’État islamique se tourne aussi vers les jeunes parce qu’il peut en faire ce qu’il veut. Contrairement aux adultes, la majorité d’entre eux se portent volontaires pour les opérations-suicides et les égorgements. Daech, qui a perdu beaucoup de combattants, les envoie en première ligne, comme de la chair à canon. En quoi ce phénomène de l’enrôlement est-il spécifique ? Par rapport à d’autres groupes armés, l’État islamique met en œuvre une mécanique bien huilée. Cela consiste d’abord à vider les rues des adultes en y faisant régner la terreur, pour recruter les enfants sans obstacle. Il existe ensuite une méthode d’endoctrinement, avec des prêches, des vidéos de propagande... Enfin, Daech a créé des camps d’entraînement, où les enfants apprennent à utiliser des ceintures d’explosifs, à égorger... Nous voulions disséquer les rouages de cette mécanique qui peut mener un enfant à dénoncer ses propres parents, comme à l’époque des Jeunesses hitlériennes ou des Khmers rouges. Ces enfants, réfugiés en Turquie, en Allemagne ou en Grèce, sont-ils pris en charge ? Il existe quelques associations peu médiatisées, par crainte des représailles. Mais cela reste insuffisant et ces enfants sont souvent livrés à eux-mêmes. Quant à ceux qui sont encore aux mains de Daech, c’est un sujet de préoccupation pour les services de renseignement. On ne sait pas combien ils sont, des centaines ou des milliers, mais si cela continue, ils risquent d’être irrécupérables. Propos recueillis par Laetitia Møller AFP/MUSTAFA TAUSEEF |