AGAT FILMS & CIE 14% FICTION À FLEUR DE PEAU Avec La bête curieuse, Laura Smet revient au premier plan. Elle incarne avec une intensité magnétique un personnage de peu de mots, qu’on suit au plus près dans son parcours vers une renaissance. Céline Klein, après une longue peine de prison, tente de se réinsérer dans la vie sociale. Comment avez-vous appréhendé ce personnage ? Laura Smet : Il y a forcément quelque chose, dans un rôle qu’on accepte, qui résonne en nous. Même si cela a à voir avec nos secrets. Celui de Céline est un des plus beaux que j’ai eu l’occasion de jouer jusqu’à présent. Vraiment. J’aimais l’idée de la suivre dans cette trajectoire, qui débute dans une tonalité très sombre et va progressivement vers la lumière. On est constamment avec elle, en tension, dans chaque plan. On ne sait jamais vraiment ce qui va se passer. Son histoire parle d’enfermement, de quête d’identité, et finalement d’ouverture aux autres. Vous êtes-vous documentée sur ce type de parcours ? Avec le réalisateur Laurent Perreau, nous sommes allés voir une jeune femme détenue à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, condamnée pour des faits plus graves que ceux qui sont décrits dans le film. Quelque temps plus tard, nous avons assisté à son procès. J’ai été frappée par son attitude figée, impénétrable. Ces gens-là portent un masque, pour ne pas laisser transparaître la peur, les doutes. On le voit dans les scènes où Céline se retrouve face au juge d’application des peines. J’ai aussi interrogé des personnes qui ont eu à porter un bracelet électronique. Comme on peut s’en douter, c’est très pénible… 4 N°13 – Semaine du 25 au 31 mars 2017 – ARTE Magazine Vendredi 31 mars à 20.55 LA BÊTE CURIEUSE Lire pages 24-25 Les gens qui se retrouvent en liberté conditionnelle passent leur temps à courir pour remplir leurs obligations, et ils finissent souvent avec la cheville en sang. Sur le tournage, même quand ça ne se voyait pas, je mettais le bracelet, pour être d’emblée dans le rôle. Le personnage reste, malgré tout, mystérieux. Était-ce une volonté de votre part ? Laurent Perreau voulait laisser le champ ouvert à l’imagination du spectateur. Il y a un mélange de maîtrise et de délicatesse dans son travail, qui produit cet effet-là : le résultat est très pur, très pudique. Ce film a mis plusieurs années à se concrétiser, le personnage est donc avec moi depuis longtemps. Au moment de tourner, je le connaissais bien, et comme nous avions peu de temps, je me suis servie de cette contrainte pour jouer de manière instinctive, éviter la psychologie. J’ai fait en sorte de me laisser guider, comme une marionnette. C’est un peu ce qui arrive à Céline : plus ça va, plus elle lâche prise. Le fait de tourner dans la chronologie de l’histoire m’a aussi aidée à incarner cette évolution. Propos recueillis par Jonathan Lennuyeux-Comnène Laura Smet sera prochainement à l’affiche des Gardiennes, de Xavier Beauvois, aux côtés de Nathalie Baye, sa mère, et de Carbone, d’Olivier Marchal. |