CURTIS BROWN DOCUMENTAIRE TATIANA DE ROSNAY « CHEZ DAPHNÉ DU MAURIER, IL N’Y A PAS DE HAPPY END » Dimanche 26 février à 22.55 DAPHNÉ DU MAURIER SUR LES TRACES DE REBECCA Lire page 14 La romancière Tatiana de Rosnay a été conseillère littéraire du riche documentaire qu’Élisabeth Aubert Schlumberger consacre à Daphné du Maurier. Fascinée par son œuvre, elle est l’auteure de la première biographie française de l’écrivaine britannique *. 8 N°9 – Semaine du 25 février au 3 mars 2017 – ARTE Magazine Qu’est-ce qui vous a poussée à vous plonger dans la vie de Daphné du Maurier ? Tatiana de Rosnay : La raison est simple, c’est elle qui m’a donné envie de devenir écrivain. Quand j’avais 11 ans, ma mère, qui est anglaise, m’a offert un exemplaire de Rebecca pour Noël. Après l’avoir dévoré, captivée par son style, sa force et sa noirceur, j’ai lu ensuite tout ce qu’elle a publié. Quand, vers 12-13 ans, je me suis lancée dans l’écriture, en symbiose avec elle, il m’est arrivé de signer mes textes « Tatiana du Maurier » ou « Daphné de Rosnay ». Tout ce que j’ai pu écrire porte, je crois, son estampille, et cela m’a semblé un juste retour que de la faire redécouvrir. Comment avez-vous mené à bien votre enquête ? Étonnamment, je ne connaissais pas vraiment la vie de mon écrivaine préférée. J’ai donc effectué le même type de recherches que sur la rafle du Vel’d’Hiv pour Elle s’appelait Sarah ou sur le Paris d’Haussmannpour Rose. Je me suis rendue en Cornouailles, à Fowey, où j’ai rencontré son fils. J’ai eu accès à tout ce qui a été écrit sur elle en langue anglaise ainsi qu’à des passages de son journal intime. J’ai essayé de traiter cette abondante matière en adoptant une objectivité littéraire qui tienne à l’écart mes propres projections. Ce qui m’a le plus étonnée a été de découvrir qu’elle parlait couramment français et qu’elle adorait la France : sa rencontre avec Fernande Yvon, la directrice du pensionnat où ses parents l’avaient envoyée jeune fille, l’a marquée toute sa vie. Pour quelles raisons mérite-t-elle d’être lue encore aujourd’hui ? Daphné du Maurier a produit une œuvre inclassable, mais parce qu’elle a vendu des millions de livres dans le monde, on l’a cataloguée à tort « auteure à l’eau de rose », ce qui l’a fait beaucoup souffrir. Dans chacune de ses histoires, elle bouscule et dérange en faisant émerger les sentiments les plus confus, les plus obscurs chez ses personnages. Chez elle, il n’y a pas de happy end : elle n’a pas peur de faire ouvrir à ses héroïnes la porte du mauvais choix, qui entraîne le lecteur dans un no man’s land d’inconfort. Ce n’est pas un hasard si Hitchcock l’a adaptée trois fois au cinéma… Propos recueillis par Christine Guillemeau * Manderley for ever (Albin Michel/Héloïse d’Ormesson, 2015). |