JEAN-CLAUDE LOTHER Comment passe-t-on d’un premier film d’auteur à Cannabis ? Lucie Borleteau : Les productrices Tonie Marshall et Véronique Zerdoun m’ont envoyé les scénarios des premiers épisodes après avoir vu Fidelio, l’odyssée d’Alice. J’ai d’abord aimé l’histoire : le fait qu’il n’existe aucun point de vue policier et, bien sûr, les personnages, complexes, excitants, avec, en haut de la pyramide, El Feo, un méchant shakespearien, et Shams, un héros solaire qui suscite l’empathie, comme son pendant féminin Anna. Quelle couleur vouliez-vous donner à l’histoire ? Je n’ai pas cherché à révolutionner les codes, plutôt à me les approprier. La multiplicité des personnages, des territoires et des langues nous offrait la possibilité de changer régulièrement de ton. Une diversité que nous avons valorisée au montage, notamment à travers la musique, très présente, qui dessine un patchwork d’univers très variés. Avez-vous effectué des recherches sur le milieu du trafic de stupéfiants ? Je me suis appuyée sur le travail des scénaristes, très précis, et j’ai étoffé mes connaissances pendant la préparation du tournage. Le comportement et la manière de parler des dealers sont soumis à des modes qui évoluent tout le temps, donc mieux valait ne pas les imiter. Dans les cités où nous avons tourné – qui sont devenues celle, imaginaire, de la Roseraie –, j’ai pu observer des détails qui nous ont aidés à rendre la mise en scène concrète et à nourrir le travail des comédiens. Quant à la partie qui se déroule en Espagne, moins documentée, elle laissait plus le champ à l’imagination et au romanesque. EN COUVERTURE LE ROMANESQUE DE L’OMBRE Après un premier long métrage à la fois intimiste et aventurier, Fidelio, l’odyssée d’Alice, la réalisatrice Lucie Borleteau change de registre avec Cannabis, une série romanesque captivante qui plonge dans l’univers du trafic de drogue, entre la France et l’Espagne. 4 N°49 – Semaine du 3 au 9 décembre 2016 – ARTE Magazine LUCIA FARAIG Comment avez-vous conçu votre casting ? J’avais posé comme condition de choisir les comédiens. Cannabis traite du milieu de l’ombre, c’était donc important de ne pas avoir la vue brouillée par la présence d’acteurs connus. Dans la lignée de Fidelio…, Cannabis propose plusieurs portraits de femmes évoluant dans un univers masculin… Heureusement, aujourd’hui, on peut raconter des histoires avec des figures féminines qui ne sont ni des victimes ni des femmes fatales, et qui naviguent dans des univers qu’on pensait virils, comme celui du trafic de drogue. Propos recueillis par Jonathan Lennuyeux-Comnène |