JEAN-MARIE PÉRIER DOCUMENTAIRE FRANÇOISE HARDY REPLI SUR SOIE Son aura mélancolique a résisté au temps sans jamais entamer son mystère. Dans un portrait documentaire, émules et proches évoquent la plus secrète des icônes de la pop française. Hommages. 6 N°38 – Semaine du 17 au 23 septembre 2016 – ARTE Magazine Vendredi 23 septembre à 22.25 FRANÇOISE HARDY – LA DISCRÈTE Lire page 25 Au sein de la bande de Salut les copains, le photographe Jean-Marie Périer fut l’un des premiers à rencontrer Françoise Hardy, en 1962. Chargé par le magazine de réaliser le premier d’une longue série de portraits, il raconte : « Elle m’a emmené dans sa chambre pour faire des photos : au-dessus de son lit, il y avait une petite étagère, avec quelques livres, et j’ai vu que son univers, c’était ça. » Une guitare, quelques livres, un lit, et « Tous les garçons et les filles de mon âge ». En une chanson, Françoise Hardy est propulsée icône d’une génération, charmant tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans la bonne humeur tapageuse d’autres idoles yéyés. La jeune étudiante en allemand, elle, soigne sa mélancolie et son mystère. Sa voix éthérée plane déjà très haut au-dessus des refrains de l’époque. La chanteuse La Grande Sophie résume : « Avec Françoise Hardy, on est tout de suite dans l’intimité. Elle va toucher au plus profond quelque chose qui est en nous, et on a l’impression qu’elle ne parle qu’à nous. » Sa jeune renommée traverse les frontières et conquiert l’Allemagne, l’Angleterre, puis les États-Unis. Et s’y enracine. En fan moins attendu de la Française, le rocker Anton Newcombe, leader de The Brian Jonestown Massacre, compare son timbre vaporeux à « de la soie », évoquant aussi pour la définir la « sensualité » de la bossa-nova. GABIN, DYLAN, GAINSBOURG Qu’ils soient proches d’elle ou simplement l’admirent, les interlocuteurs rencontrés par Matthieu Jaubert et Émilie Valentin s’étonnent aussi de la manière dont elle a su rester elle-même au fil du temps. Celle qui a côtoyé les Stones est restée sourde aux déclarations d’amour de Bob Dylan comme aux injonctions de ses producteurs successifs, dont Serge Gainsbourg (pour « Comment te dire adieu »). Celui-ci « savait s’emparer de chanteuses et modifier totalement leur registre », souligne le musicien anglais Andy Votel. « Françoise Hardy est la seule qu’il n’a pas pu changer. » Et tant mieux, s’enthousiasme l’écrivain Pierre Mikaïloff : « Elle est inimitable. Elle ne sait pas toujours quoi faire de son corps sur scène, mais elle a tellement de magnétisme que c’est suffisant pour qu’une salle la regarde, fascinée. » « Au théâtre, renchérit Anton Newcombe, quand on ne pense plus aux acteurs, mais à l’histoire, on appelle ça la suspension d’incrédulité. La personnalité de Françoise Hardy prend le pas sur tout le reste. » Derrière ses lunettes noires, son éternel cigare à la bouche, son mari Jacques Dutronc se cache, lui, derrière une citation : « Jean Gabin – c’était génial je trouve – l’avait surnommée ‘la discrète’. » François Pieretti |