BFI Cinéma Des joyaux dans la cendre Parcours d’une renaissance, la trilogie autobiographique de Bill Douglas, méconnue en France, revisite avec une poésie âpre et poignante son enfance malmenée dans l’Écosse de l’immédiat après-guerre. Lundi 30 mai à partir de 22.40 Trilogie Bill Douglas Mon enfance ; Ceux de chez moi ; Mon retour Lire page 17 Une silhouette chétive et déguenillée, accroupie au milieu de l’immensité d’un terril, empoche des copeaux de charbon. Cet enfant inoubliable au visage douloureux, c’est Jamie (Stephen Archibald), le double cinématographique du réalisateur. Lorsqu’il tourne, en 1971, son moyen métrage Mon enfance, première partie de ce qui n’est pas encore une trilogie, Bill Douglas a déjà 37 ans. Enfant illégitime né en 1934 à Newcraighall, un faubourg minier d’Édimbourg, d’une mère catholique, internée dans un asile, et d’un père protestant, le garçon grandit auprès de sa grand-mère maternelle dans une extrême pauvreté. À la mort de cette dernière, il est élevé à la dure par la mère de son père et finit dans un orphelinat. Son salut viendra de sa rencontre avec un jeune homme aisé et lettré qui effectue avec lui son service militaire 6 N°22 – semaine du 28 mai au 3 juin 2016 – ARTE Magazine en Égypte. Grâce à Peter Jewell, le jeune Bill s’installe à Londres et s’ouvre aux arts et à la littérature. Il devient comédien au sein du Theatre Workshop de Joan Littlewood, écrit des pièces, puis intègre la London Film School, dont il sort diplômé fin 1970. L’art de l’épure Encouragé par le cinéaste Lindsay Anderson, l’un des piliers du free cinema, Bill Douglas débute une œuvre unique dans le septième art britannique. Dans un noir et blanc violemment contrasté, Mon enfance (1972), Ceux de chez moi (1973) et Mon retour (1978) rassemblent, dans une succession de plans fixes épurés, d’une incroyable intensité poétique et émotionnelle, les images et les sensations que Douglas a conservées du passé. Déployant un style proche du cinéma muet qu’il affectionne, ainsi que d’auteurs européens comme Bergman ou Bresson, avec des dialogues rares et des acteurs non professionnels, Bill Douglas restitue le ressenti, davantage que le récit, de sa jeunesse difficile. Même s’il bénéficie outre-Manche d’une vraie reconnaissance, le cinéaste ne parviendra à tourner qu’un seul autre long métrage, Comrades (1987), une fresque sur des proto-syndicalistes déportés en Australie en 1834, avant d’être emporté prématurément par un cancer en 1991. Alors que son interprète, Stephen Archibald, meurt dans le dénuement en 1998, à 38 ans, il reste d’eux ces trois films, tels des joyaux noirs que Bill Douglas considérait comme leur « happy ending ». Marie Gérard |