sabine weiss/getty images «L documentaire Yves Montand charmeur engagé À l’occasion des vingt-cinq ans de sa mort, Daisy d’Errata et KarlZéro consacrent un portrait à l’acteur et chanteur star, qui aura épousé tous les grands combats politiques de son temps, quitte parfois à se fourvoyer. a politique s’est intéressée à moi, de par ma naissance. On ne pouvait pas, à moins d’être une chaise ou un mollusque, se désintéresser des choses qui se passaient autour de vous», résume Yves Montand, dans l’un des nombreux entretiens qui émaillent son portrait. Alors que le petit Ivo Livi a tout juste 1 an, en 1922, Mussolini prend le pouvoir en Italie, et son père, communiste de la première heure, s’exile à Marseille, où la famille le rejoindra bientôt. Le futur acteur et chanteur grandit sous l’influence de ce militant indéfectible : «Chez moi il y avait le crucifix, et au-dessus, Staline ! » Pourtant, à la fin de la 6 N°20 – semaine du 14 au 20 mai 2016 – ARTE Magazine Dimanche 15 mai à 22.50 Yves Montand, l’ombre au tableau Lire page 14 guerre, ses débuts parisiens sous l’égide d’Édith Piaf mettent plutôt en avant son charme faubourien de cabotin enjôleur. Mais après sa rencontre, en 1949, avec Simone Signoret, leur couple glamour se forme sous le signe de l’engagement – contre l’armement nucléaire et le maccarthysme, pour la grâce des époux Rosenberg et «le camp de paix». Séduite, la rive gauche parisienne le bombarde «compagnon de route» d’un PCF qui domine alors la gauche. En 1956, alors que les chars soviétiques sont entrés dans Budapest, il hésite, mais accepte néanmoins de partir chanter à Moscou, où il est adulé. L’année suivante, une tournée dans les pays du bloc de l’Est, avec Simone, ébranle un peu plus douloureusement sa foi dans le «Parti». Certitudes et illusions L’écrasement du printemps de Prague, en 1968, achève de lui ouvrir les yeux sur les mirages du communisme réel. Il tourne la page avec éclat, en tournant L’aveu avec le jeune réalisateur Costa-Gavras, implacable charge contre les procès staliniens qui obtient un immense succès. Les quinze années qui suivent, l’acteur continue de défendre les causes de la gauche humaniste avec la flamme et le franc-parler qui ont fait sa popularité, de la dénonciation de Pinochet au soutien à Solidarnosc. Mais en 1984, en phase avec l’époque, le grand escogriffe rieur, chéri du public, accompagne cette fois le tournant de la rigueur en acclamant le néolibéralisme économique, voire le reaganisme triomphant, dans une émission qui a fait date – Vive la crise !. Si elle n’entame en rien l’affection de ses fans – en 1988, élu «personnalité préférée» des Français, il envisage brièvement de se présenter à la présidentielle –, elle marque rétrospectivement une autre forme d’aveuglement. Comme il le dira lui-même à l’écrivain Jorge Semprún, peu avant de mourir : «J’ai perdu mes certitudes, mais gardé mes illusions.» |