En Syrie La vie malgré tout À travers le quotidien d’un hôpital clandestin, Freedom hospital dépeint une société syrienne en lambeaux mais tenace, un an après le début de la révolution. Ce roman graphique percutant, œuvre d’un réfugié politique, sort mi-avril chez ARTE Éditions. Raconter la vie plutôt que décrypter la guerre. Avec Freedom hospital, l’artiste syrien Hamid Sulaiman esquisse le tableau d’un pays qu’il a dû fuir au début de la révolution contre Bachar el-Assad en 2011. Son roman graphique en noir et blanc, très dense, débute au printemps 2012. Sophie, journaliste syrienne vivant en France, revient au pays afin de réaliser un reportage sur un hôpital clandestin dirigé par Yasmine, une amie d’enfance. Là-bas, malgré les déluges de bombes, les morts et les corps mutilés, la vie continue. La jeune sunnite Zahabiah et le Kurde Haval se découvrent et parlent mariage. Yasmine se démène pour que son hôpital vive. Blessés et infirmiers jouent au football. Mais, avec l’arrivée d’un nouveau printemps, la révolution mute. Les visages bigarrés qui peuplaient les manifestations pacifiques originelles se couvrent de barbe. Les femmes, elles, ont presque toutes disparu, comme évaporées. L’heure est aux prêches intégristes tenus par des princes de la terreur étrangement absents aux premières heures de la révolution. Ils vantent Ben Laden et son rejeton Abou Bakr al-Baghdadi, le leader du groupe État islamique. Puis vient l’hiver. Les terrains de foot sont rasés ; les opposants, égorgés, et les vidéos de ces violences, aussitôt postées sur Youtube… édition Tout au long de son roman graphique, Hamid Sulaiman insiste sur la provenance des armes qui détruisent la Syrie. Là, des soldats du régime bombardent la foule avec des missiles à fragmentation confectionnés en Russie. Ici, un membre de l’Armée syrienne libre réplique avec un lance-roquettes de même provenance. Les membres du groupe État islamique ont, quant à eux, un faible pour les M16 étasuniens. Puis là-haut, dans les airs, les Mirage du groupe Dassault – pour ne citer qu’eux – bombardent à tout va. Résilience Que peuvent Yasmine, Zahabiah, Haval, Sophie et tous les autres face à un tel maelstrom de destruction ? Rien. Tout juste sont-ils les pions d’une guerre qui les dépasse. Mais, encore une fois, la vie continue et s’avère parfois porteuse de bonheur. Voilà ce qu’a voulu raconter, avec succès, Hamid Sulaiman, qui clôt son récit sur une note d’espoir. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le Freedom Hospital se trouve dans la ville imaginaire de Houria. En arabe, cela signifie «liberté». Raphaël Badache 8 N°17 – semaine du 23 au 29 avril 2016 – ARTE Magazine arta EDITIONs FREEDOM HOSPITAL NOTRE PAYS EST LIN PARADIS, Un livre coédité par ARTE Éditions et Ça et là, en vente à partir du 15 avril. |